La commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains

La commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession a été créée le 22 janvier 2015.

Le groupe socialiste auquel j’appartiens s’est opposé à la création de cette commission d’enquête voulue par les sénateurs UMP « à chaud », au lendemain des attentats de janvier. L’institution scolaire y était soupçonnée de cacher des informations, au moment même où notre pays avait besoin de cohésion pour faire front. Ce procédé accusatoire et stigmatisant a été vivement ressenti dans la communauté enseignante, car il a instauré un rapport de méfiance et un sentiment d’instrumentalisation. D’ailleurs, c’est la première fois que des personnes refusent d’être auditionnées et ce, sans aucune conséquence. Ce qui prouve bien que le moyen d’une telle commission était disproportionné. La Présidente elle-même l’a reconnu, en précisant dès le départ qu’elle n’en utiliserait pas les prérogatives. C’est pourquoi, nous avons refusé de prendre des responsabilités dans son bureau. Pour autant j’ai souhaité participé aux travaux car je me refuse, en tant que Sénatrice, et par rapport à l’ensemble de nos interlocuteurs, à pratiquer la politique de la chaise vide. C’est pourquoi j’ai assisté à un grand nombre d’auditions dont vous trouverez le détail ci-après.

Suivez l’actualité de la commission d’enquête en cliquant ici.

Dès le 16 février, la commission d’enquête a entamé son cycle d’auditions. Elle a entendu:

– M. Bernard BEIGNIER, recteur de l’académie d’Aix-Marseille ;

– M. Jean BAUBEROT, docteur en histoire et docteur ès-lettres et sciences humaines de l’Université Paris IV Sorbonne, président d’honneur et professeur émérite de l’École pratique des hautes études en Sorbonne ;

– M. Jean-Louis BIANCO, président de l’Observatoire de la laïcité.

  • La commission d’enquête a poursuivi son cycle d’auditions. Elle a entendu :

– M. Alain FINKIELKRAUT, philosophe et essayiste, membre de l’Académie française (cette audition fera l’objet d’une captation vidéo) ;

– M. Jérôme LEONNET, directeur central adjoint de la sécurité publique, chef du service central du renseignement territorial, à la direction centrale de la sécurité publique du ministère de l’intérieur ;

– M. Henri PENA-RUIZ, philosophe, écrivain, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris, ancien membre de la commission Stasi sur la laïcité (cette audition fera l’objet d’une captation vidéo) ;

– Mme Florence ROBINE, directrice générale de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

– M. Jean-Pierre OBIN, inspecteur général de l’Éducation nationale, auteur du rapport « Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires » ;

– M. Alain BOISSINOT, ancien président du Conseil supérieur des programmes (2013-2014).

  • La commission d’enquête a procédé aux auditions successives de plusieurs anciens ministres de l’éducation nationale :

– Luc FERRY, ancien ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche (2002-2004) ;

– Luc CHATEL, ancien ministre de l’éducation nationale (2009-2010) puis de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative (2010-2012) ;

– Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, ancien ministre de l’éducation nationale (1984-1986).

  • Le 16 mars 2015, la commission d’enquête a auditionné des représentants de Syndicats de l’Éducation national et de Fédérations de parents d’élèves.
  • Le 19 mars 2015, la commission d’enquête a procédé à de nouvelles auditions. Elle a entendu :

    – M. Alain-Gérard SLAMA, journaliste, professeur à Sciences-Po ;

    – M. François-Xavier BELLAMY, professeur de philosophie, auteur de Les déshérités ou l’urgence de transmettre ;

    – Mme Gabrielle DERAMAUX, professeure de lettres modernes, auteure de Collège inique (ta mère !) ;

    – M. Daniel KELLER, Grand maître du Grand Orient de France.

  • Jeudi 26 mars 2015, la commission d’enquête a poursuivi ses auditions. Elle a entendu :

– M. Jean-Michel BLANQUER, directeur général du groupe ESSEC

– M. Pierre N’GAHANE, secrétaire général du Comité interministériel de prévention contre la délinquance (CIPD)

– Audition de M. Loys BONOD, professeur de lettres certifié, auteur du blog La vie moderne.

 

Puis la commission d’enquête a entendu M. Vincent PEILLON, ancien ministre de l’Éducation nationale.

  • Le 2 juin 2015 nous avons auditionné Mme Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

  • Au terme de cinq mois de travail soutenu, la commission d’enquête a adopté son rapport et présenté à la presse mercredi 8 juillet 2015.


[Entretien] CE Éducation : présentation du… par Senat

 

Retrouvez la contribution du Groupe socialiste sur ce rapport en cliquant sur ce lien.

Nous, socialistes, pensons que les attentats de janvier et la légitime émotion qu’ils ont soulevé dans le pays méritaient mieux qu’une tentative d’instrumentalisation de faits graves et significatifs, comme le refus ou la contestation de la minute de silence. Nous rappelons que, dès le lendemain, des mesures fortes ont été prises pour signaler et sanctionner les actes ou paroles faisant l’apologie du terrorisme, du racisme, de l’antisémitisme et de la haine de l’autre. Ces attentats, mais aussi la montée des extrémismes et des populismes, ont montré que toute la société est en proie à la confusion sur les valeurs de la République, et que c’est à tous ses niveaux que des réponses fortes doivent être apportées.

Mais que la droite balaie d’abord devant sa porte : qui a enterré le rapport Obin sur les signes religieux à l’école en 2004 ? La mise sous le boisseau d’informations dérangeantes, c’est la droite qui l’a pratiquée, alors qu’une des premières mesures, en 2012, du ministre de l’Education Nationale V. Peillon, en réaction aux procédés du quinquennat Sarkozy, a été de rétablir la transparence, avec la publication de tous les rapports. 

Et lors de son audition, qu’a pointé en premier M. Obin, Inspecteur général de l’Education nationale ? L’aggravation de la ghettoïsation des quartiers depuis 10 ans et le manque de formation des professeurs ! Celle-là même que la droite a jugé superflue et cru bon de supprimer ! Cette décision a été catastrophique pour notre système scolaire et l’urgence a été de reconstruire une vraie formation professionnelle initiale, avec la loi de refondation de l’école. Et ce sont les mêmes qui veulent aujourd’hui réviser les maquettes de formation des ESPE, demandent des moyens pour la formation continue, les remplacements, alors qu’ils ont supprimé 80.000 postes… Quelle hypocrisie !

En apportant des moyens nouveaux en postes, en recréant une vraie formation professionnelle pour les enseignants, en installant de nouveaux rythmes scolaires adaptés, en instaurant la charte de la laïcité, en confiant la réforme des programmes au Conseil Supérieur des Programmes avec la création d’un véritable enseignement moral et civique, nous avons montré la voie à suivre pour construire une école exigeante mais bienveillante, dans les valeurs républicaines de laïcité et d’égalité réaffirmées.

Que nous propose la droite ? Un retour à de vieilles recettes inadaptées, axées autour du triptyque : répression – sanction – coercition. La panoplie est complète : retour du vouvoiement, de l’uniforme, du rituel matinal. Et surtout : le retour de la loi dite « Ciotti » de suppression des allocations familiales comme « arme de dissuasion » à l’encontre des parents pour inciter au présentéisme scolaire, alors que ce dispositif a déjà démontré son inefficacité. Même chose avec la création dans chaque département d’un établissement labellisé « spécial perturbateurs » : ajoutons donc de la ségrégation à la ghettoïsation croissante dont souffre notre système scolaire !

Ce rapport s’avère en outre en contradiction totale avec les politiques menées dix ans durant par la droite : il défend l’école dès 3 ans afin d’améliorer le niveau de langage des élèves, alors que la droite s’est opposée à la scolarité obligatoire à 3 ans quand nous l’avons proposée et a réduit à la portion congrue la préscolarisation en maternelle, réactivée depuis 2012. Le rapporteur défend que l’instruction morale et civique doit être transversale, donc interdisciplinaire, citant des exemples réussis, mais qui dénonce sans relâche depuis des mois l’interdisciplinarité portée par la réforme du collège ? 

Le rapport dresse enfin le constat du creusement des inégalités sociales et scolaires, sur lequel nous sommes tous d’accord, mais s’abstient de toute proposition. Or, le premier des défis à relever pour la cohésion de notre société et l’adhésion à la Nation est celui de la mixité sociale. Dans cet objectif, nous avons fait adopter dans la loi de refondation de l’école un amendement pour qu’un même secteur de recrutement puisse être partagé par plusieurs collèges publics. Depuis, l’éducation prioritaire a elle aussi été refondée, pour être plus juste.

Face à ce bilan à charge très négatif pour l’école publique, nous condamnons l’instrumentalisation de cette commission d’enquête, qui vise en fait à présenter le programme éducatif de la droite pour 2017, en s’appuyant sur les événements dramatiques de janvier qui méritent plus d’impartialité et d’objectivité : notation et recrutement des profs par les chefs d’établissements, sanction financière pour absentéisme scolaire, mise en quarantaine des élèves perturbateurs, prestation de serment des enseignants, références permanentes à la soi-disant exemplarité des établissements privés…

Laissons le temps à la grande mobilisation de l’Ecole pour les valeurs de la République, véritable plan d’actions du gouvernement sur la durée, de se déployer et dressons en le bilan en toute objectivité le moment venu. Le Sénat s’honorerait de ce vrai travail de contrôle au service de l’intérêt général.