L’instauration du suffrage universel a nécessité de difficiles combats mais elle fut l’un des actes fondateurs de la République. La constitution de la Ve République poursuit cette tradition en réaffirmant le principe d’un suffrage universel, égal et secret. Le vote est donc le premier des actes citoyens, celui qui fait exister notre démocratie représentative.
Malgré cela, le nombre d’abstentionnistes dans notre pays ne cesse de croître, d’élection en élection. Face à ce phénomène, le législateur ne peut rester passif. L’abstention, véritable danger pour la démocratie, en remet en cause le fondement, l’élection. Elle affecte la légitimité des élus et exprime la confiance perdue des citoyens envers le pouvoir politique.
Parce que le vote obligatoire permettrait de concourir au renforcement de la légitimité de la démocratie, par sa capacité à accroître la participation électorale, mais aussi parce qu’il est un acte de défense d’une certaine conception de la République qui a confiance dans son peuple tout entier, il permettrait de déclencher une dynamique vertueuse visant à rétablir ce lien disparu entre citoyens et élus.
J’ai donc déposé une proposition de loi en ce sens.
Le vote obligatoire n’est pas une solution-miracle. Bien d’autres initiatives sont nécessaires pour développer les valeurs républicaines et régénérer la démocratie. Une mesure de la sorte doit s’inscrire dans une réforme globale de l’élection, qui s’appliquera à faciliter les modalités d’inscription sur les listes électorales, à faciliter le vote à distance et par procuration, et également à prendre en compte le vote blanc.
Ce texte est une première étape. Je souhaite que le vote blanc soit considéré comme un suffrage exprimé. Consciente que cette réforme importante implique une révision de l’article 7 de la Constitution, j’appelle de mes voeux à une réforme constitutionnelle rapide.
Adopter le vote obligatoire constitue donc un premier pas vers cet objectif, premier pas qu’entend satisfaire l’article 1 de ce texte.
Sans sanction, même symbolique, ce vote obligatoire ne serait qu’un artifice et n’aurait aucun des effets escomptés. Il convient, par conséquent, d’en instaurer une, et c’est l’objet de l’article 2 de cette proposition de loi.
Pour accentuer son caractère éducatif, je souhaite que cette sanction innovante soit graduée :
- Les première et deuxième absences non justifiées seront sanctionnées d’un rappel à la loi.
- La troisième absence non justifiée est sanctionnée par l’accomplissement d’un stage de citoyenneté tel que défini à l’article 131-5-1 du code pénal et qui voit sa nature élargie, par cet amendement, à l’apprentissage du fonctionnement de la démocratie.
- C’est finalement l’absence non justifiée au stage de citoyenneté qui sera financièrement sanctionnée.
- Par la suite, si l’abstention non justifiée se produit une cinquième fois, l’électeur, car il a clairement manifesté son refus d’être membre du corps électoral, sera rayé des listes électorales pour dix ans.
J’appelle de mes vœux une modification par voie organique de l’article 3 de la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République, afin de rendre applicables les sanctions créées par cet amendement à l’élection présidentielle.
Enfin, Il est impossible d’aborder la question du vote obligatoire sans aborder celle du vote blanc. En effet, l’abstention peut dénoter d’une certaine passivité face au fait politique, mais en réalité, ce refus de participer traduit souvent une déception face à l’offre politique. Pour que l’instauration d’un vote obligatoire ne soit pas une forme de déni de démocratie, il est indispensable d’assurer aux électeurs la possibilité d’exprimer leur insatisfaction par rapport à l’offre électorale. À cette fin il faut prévoir que les bureaux de vote soient suffisamment pourvus en bulletins blancs pour permettre aux électeurs de s’exprimer de cette manière. C’est l’objet de l’article 3 de cette proposition de loi.