Cohésion, performance, rayonnement : quels tremplins pour le sport en outre-mer?

L’échéance olympique et paralympique de Paris 2024 et la stratégie nationale à mettre en œuvre dès à présent pour remplir les objectifs de performance assignés ont conduit la Délégation sénatoriale aux outre-mer, dès sa reconstitution consécutive au renouvellement sénatorial, à se préoccuper de la place faite aux outre-mer dans cette feuille de route et des opportunités à saisir pour dynamiser le levier que constitue le sport en réponse aux multiples enjeux de cohésion sociale, de développement et de rayonnement.

La Délégation a donc souhaiter mener une étude, pour la conduite de laquelle j’ai été désignée rapporteure, aux côtés de Catherine Consonne, sénatrice de Martinique, Viviane Mallet, sénatrice de La Réunion et Lana Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française.

 

Pour l’instruction de son étude, la délégation a entendu au total plus de 300 interlocuteurs qualifiés au cours de près de 90 heures d’auditions et de visites, avec un large spectre permettant de couvrir l’ensemble des enjeux : ministres des sports et des outre-mer, délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’outre-mer et nombre d’élus territoriaux en charge du sport, mais aussi les ambassadeurs chargés des coopérations océaniques et du sport et de très nombreux acteurs du mouvement sportif et de la société civile –

fédérations sportives, comités olympiques et paralympiques, responsables associatifs locaux, notamment lors de 7 visioconférences avec les territoires. Un déplacement a été effectué en Guadeloupe, Martinique et Guyane ainsi qu’une visite d’une journée à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), à la rencontre des sportifs ultramarins de haut niveau et de leurs encadrants.

Sur la base de constats étayés, les recommandations de notre rapport, présenté le 20 novembre au Sénat, s’articulent autour de 4 axes  :

  • Soutenir le développement de la pratique sportive, au cœur des enjeux de cohésion sociale,
  • Réaliser l’indispensable rattrapage en termes d’équipements sportifs dans les territoires,
  • Ancrer les moyens de la performance en cohérence avec la renommée de « terres de champions » dont jouissent les outre-mer,
  • Valoriser le sport comme patrimoine culturel et levier de rayonnement des territoires.

Liste des recommandations

1. Décliner à brève échéance, sur chaque territoire encore non pourvu, la démarche d’élaboration d’un schéma de développement du sport intégrant et priorisant des objectifs en les confrontant aux impératifs éducatifs, sanitaires, environnementaux, de cohésion sociale, de développement de segments économiques ou encore de transport et d’aménagement du territoire.

2. Afin de tenir compte du partage des compétences en matière de politique sportive ainsi que de la nécessité d’optimiser la mobilisation des sources de financement et la coordination de l’action publique, systématiser l’élaboration de contrats d’objectifs ou de projets entre l’État et les collectivités pour la mise en œuvre des différents axes du schéma de développement du sport, en y associant le mouvement sportif.

3. Améliorer la prise en compte des territoires ultramarins et des fédérations sportives ultramarines dans les comités et fédérations nationaux avec la désignation de référents outre-mer.

4. Accompagner une politique active de soutien à la pratique sportive et permettre à tout jeune d’être licencié dans une discipline par un « pass sport jeunes ».

5. Pérenniser les emplois financés par le CNDS, indispensables au bon encadrement de la pratique sportive dans les territoires.

6. Maintenir un dispositif d’emplois aidés, vitaux pour le secteur associatif et sportif en outre-mer.

7. Soutenir les bénévoles, piliers du mouvement associatif sportif et du développement de la pratique sportive, à travers un guichet unique de ressources et d’informations auprès des services de l’État et des collectivités et par le biais de formations, notamment sur les tâches administratives et de gestion.

8. Afin d’atteindre un meilleur taux d’encadrement des activités sportives, développer des filières locales de formation aux brevets professionnels.

9. Engager en partenariat avec les territoires une déclinaison adaptée et amplifiée des politiques de « sport santé » et valoriser les comités et ligues proposant des programmes de « sport santé » accessibles à tous.

10. Renforcer la prise en compte des possibilités d’équipements modulaires et mobiles dans les schémas d’équipements des territoires.

11. Renforcer les partenariats de gestion des équipements entre collectivités et prévoir une gestion conjointe commune-collectivité pour les équipements structurants.

12. Promouvoir le développement de structures permettant d’apprendre à nager, piscines ou parcs aquatiques en eau de mer, pour remédier au paradoxe selon lequel les outre-mer, bien qu’insulaires dans leur quasi-totalité, sont les territoires français les moins bien lotis pour l’initiation à la natation.

13. Renforcer la définition de schémas d’équipements aux niveaux territorial et infra-territorial, le cas échéant à l’échelle des intercommunalités.

14. Contractualiser entre l’État et chaque territoire un plan pluriannuel de rattrapage, cette procédure pouvant bénéficier, dans la mesure de la répartition des compétences, aux collectivités du Pacifique.

15. Associer davantage les grandes fédérations nationales aux engagements financiers liés à la construction et à l’entretien des équipements structurants.

16. Renforcer les dispositifs d’aménagements scolaires pour les sportifs et les parcours technologiques et engager une réflexion sur la création de « parcours deuxième chance par le sport ».

17. Afin de garantir des voies d’accès aux parcours de haut niveau qui évitent un déracinement précoce des jeunes talents, appuyer les CREPS et structures territoriales équivalentes dans leur développement et leur gestion et leur donner les moyens de s’intégrer à une réelle dynamique de performance au sein du réseau « Grand INSEP ».

18. À l’échelle des bassins océaniques, élaborer des schémas de développement de la performance et améliorer la gouvernance du sport de haut niveau en dynamisant les partenariats entre les différentes structures.

19. Mieux veiller à l’effectivité de l’intégration des spécificités des territoires et sportifs ultramarins lors de l’élaboration des plans de performance fédéraux.

20. Pour offrir une première marche aux parcours de performance, créer des pôles outre-mer dans les disciplines les plus pratiquées et à potentiel de performance.

21. Afin d’améliorer l’accès aux compétitions nationales des sportifs ultramarins en dépit des freins à leur mobilité, engager des discussions avec les comités et fédérations nationaux et territoriaux pour permettre des dérogations à certaines exigences de compétitions nationales sur le modèle du 7e tour dans le football.

22. Face aux surcoûts caractérisant les déplacements des sportifs ultramarins pour les besoins de leur entraînement et des compétitions, calibrer une enveloppe « FEBECS et équivalents » dédiée au sport, à la hauteur des enjeux.

23. Promouvoir le sponsoring territorial auprès des chambres consulaires pour abonder un fonds de soutien à la mobilité et explorer les possibilités de financement participatif via le « parrainage des futurs champions ».

24. Systématiser dans les pôles hexagonaux un accompagnement renforcé « cousu main », sur le modèle pratiqué à l’INSEP, permettant une préparation des sportifs ultramarins en amont de leur arrivée et un suivi sur place afin d’optimiser leurs chances de réussite.

25. Valoriser les disciplines traditionnelles des territoires par une reconnaissance au sein du patrimoine culturel immatériel national.

26. Engager des discussions avec les territoires et les comités et fédérations pour proposer un modèle mixte permettant aux sportifs de concourir pleinement sous bannière territoriale dans des compétitions internationales d’envergure régionale mais aussi de représenter la France dans les compétitions internationales à vocation mondiale.

27. Soutenir les territoires dans l’accueil de jeux régionaux, véritables leviers de dialogue et coopération.

28. Soutenir financièrement – par des crédits des ministères des sports, des outre-mer et des affaires étrangères – les participations de délégations territoriales aux jeux régionaux.

29. Poursuivre au niveau gouvernemental des discussions avec les élus mahorais et réunionnais afin d’aboutir à une position commune de révision des chartes des Jeux des îles et des Jeux des jeunes de l’océan Indien permettant la juste participation de Mayotte.

30. Faire des outre-mer des étapes vers les Jeux de Paris. Promouvoir un panel de structures d’entraînement et d’hébergement à l’horizon 2021 pour accueillir, sur un mode « bases avancées », les équipes étrangères des différents bassins.