Corée du Nord – La Commission des Affaires étrangères auditionne des spécialistes

Le 24 janvier 2018, la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat a auditionné Juliette Morillot, spécialiste de la Corée du Nord, et Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique sur la Corée du Nord. J’ai ainsi pu les interroger sur l’existence d’un risque potentiel ou avéré de transfert de technologie, de la part des autorités, à des groupes terroristes.

 

La dégradation de la situation stratégique dans ce pays a été très rapide ces derniers mois. Le 29 novembre 2017 a eu lieu le dernier tir en date d’un missile balistique intercontinental de la Corée du Nord, mettant, selon la rhétorique du pays, la « totalité du continent américain » à sa portée, pas de plus vers un statut « d’État nucléaire ». Depuis septembre 2017, la Corée du Nord a procédé à plusieurs essais nucléaires et tirs de missile balistique, d’une puissance très conséquente, confirmant ainsi l’accélération du développement quantitatif et qualitatif de son arsenal.

Sommes-nous face à une nouvelle puissance nucléaire à part entière ? Quelle crédibilité accorder aux déclarations du dictateur Kim Jong-Un ? Comment ce pays parvient-il à progresser aussi rapidement dans le domaine nucléaire? Quels États jouent ou ont joué un jeu dangereux ?

Les résolutions successives au Conseil de Sécurité sont venues durcir des sanctions qui frappent désormais plus de 90 % des exportations et une cinquantaine de personnes ou entités. Pourtant, au-delà d’une unanimité de façade, la Chine et la Russie, en défendant le « double gel », à la fois du programme nucléaire nord-coréen et des exercices militaires entre les États-Unis et la Corée du Sud, visent en fait à affaiblir la présence américaine dans la région. Vous pourrez peut-être nous expliquer quel jeu joue la Chine qui n’a pu retenir son allié coréen et qui souhaite éviter son effondrement ?

L’équilibre régional paraît très fragile. Le Japon, Hawaï sont directement concernés par les menaces nord-coréennes. L’Europe, les intérêts stratégiques français ne sont plus hors de portée. La dissuasion élargie américaine est directement défiée. Une guerre nucléaire par accident peut-elle se déclencher dans la péninsule coréenne ? Les déclarations de M. Trump sur « rocket man » et la polémique sur la capacité des généraux américains à désobéir à un ordre de feu nucléaire fragilisent globalement l’équilibre de la dissuasion.

À ma question sur le risque de transfert de technologie à des groupes terroristes, Bruno Tertrais a répondu qu’il ne croyait pas à ce risque. « Il me semble que c’est un fantasme occidental, les Etats n’aiment pas transférer de la matière fissile ou des armes nucléaires à des groupes qu’ils ne contrôlent pas. »