Matinée studieuse aujourd’hui en Commission des Affaires étrangères du Sénat où deux rapports dont je suis l’auteure ont été adoptés : l’un sur la coopération judiciaire entre la France et le Pérou, l’autre sur la coopération entre États dans les pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest.
1/ Le premier est relatif à l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Pérou, convention signée à Paris le 15 novembre 2012 à l’issue de négociations entamées en 2003 à l’initiative des autorités péruviennes.
Cette convention répond au souhait du Pérou de se doter d’instruments modernes de coopération judiciaire et à celui de la France de renforcer ses liens avec ce pays d’Amérique latine. Même si la communauté française au Pérou ne compte guère plus de 4 000 personnes.
Quelques précisions sur le contexte de cette convention : Entre la France et le Pérou, il existait une coopération ancienne mais réduite qui reposait sur la convention d’extradition de 1874 qui vient d’être remplacée, le 1er mars 2016, par un nouveau traité d’extradition.
Aucun autre dispositif bilatéral ou multilatéral ne liant la France et le Pérou, la coopération judiciaire en matière pénale s’effectuait jusqu’à présent au titre de la réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale, ce qui signifie concrètement que tous les mandats judiciaires sont transmis par la voie diplomatique.
Depuis 2000, 27 demandes d’entraide ont été adressées par la France au Pérou et 95 par le Pérou à la France. Il s’agit d’affaires de corruption, de stupéfiants, ainsi que d’infractions à la législation sur les droits humains (homicides, viols, vols), d’infractions à caractère financier, et d’infractions à la législation sur le patrimoine culturel.
Côté péruvien, s’y ajoutent des dossiers de terrorisme et de crimes contre l’humanité. Selon les services du ministère des affaires étrangères que j’ai interrogés, ces demandes d’entraide judiciaire formulées par la France et le Pérou ont un contenu classique : réalisation d’auditions, de perquisitions et de saisies, identification de titulaires de lignes téléphoniques, demandes de déplacement de magistrats ou d’enquêteurs. Le délai d’exécution moyen des demandes françaises est de 14 mois tandis que celui des demandes péruviennes est de 11 mois.
Bien que rédigée sur la base d’une trame proposée par le Pérou, les stipulations de cette convention s’inspirent largement des mécanismes de coopération existant au sein de l’Union européenne et dans le cadre du Conseil de l’Europe. Le Pérou a en outre accepté toutes les demandes d’ajouts de la Partie française.
Les 40 articles de cette convention appelle donc peu de remarques dans la mesure où les obligations internationales qu’elle contient résultent d’engagements européens et internationaux qui ont déjà été intégrés dans notre ordre juridique et qu’aucune modification des dispositions législatives ou règlementaires actuellement en vigueur n’est à prévoir.
Une particularité tout de même: afin de lutter contre les opérations de blanchiment d’argent et la corruption, la convention interdit de refuser l’entraide judiciaire pour des infractions fiscales ou en opposant le secret bancaire (Article 4). Elle facilite aussi la lutte contre les trafics transnationaux, qu’il s’agisse de biens culturels sensibles péruviens ou de stupéfiants, en permettant la perquisition, l’immobilisation de biens et la saisie de pièces à conviction ainsi que la confiscation des produits d’une infraction criminelle. Cet ajout obtenu par la France facilite la restitution de ces biens à leur propriétaire légitime (Articles 22, 23 et 24).
Ce projet de loi devrait permettre de faciliter les flux de coopération judiciaire entre la France et le Pérou, eu égard à cette nouvelle sécurité juridique apportée aux magistrats des deux pays et à l’établissement de liens directs, sans passer par le ministère des affaires étrangères. D’ailleurs, le Pérou a achevé ses formalités de ratification en juin 2015.
2/ Le second concerne un amendement à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest. Cette convention a été signée le 24 octobre 1978 à Ottawa. Elle a créé l’OPANO, l’organisation des pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest, dont le siège est à Dartmouth, au Canada.
L’OPANO compte douze parties contractantes :
- quatre Etats côtiers : le Canada, les Etats-Unis, le Danemark (pour le Groenland et les îles Féroé) et la France (pour l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon)
- et huit autres parties dont le Japon, la Russie et l’Union européenne.
L’OPANO a pour objectif de contribuer à la gestion durable des ressources halieutiques dans la zone de sa compétence, qui recouvre une grande partie de l’Atlantique du Nord-Ouest. Les réglementations que l’organisation adopte ne s’appliquent que dans les eaux internationales.
La réglementation de l’OPANO couvre la plupart des espèces présentes dans la zone de la convention, à l’exception du saumon, des thonidés, des baleines et des espèces sédentaires, qui relèvent d’autres instruments juridiques. Pour chacune de ces espèces, l’OPANO alloue chaque année des quotas aux membres de l’organisation et adopte des mesures pour contrôler leur respect. Elle prend également des dispositions contre les navires qui pratiquent la pêche illicite. Enfin, l’organisation met en œuvre des mesures de protection des écosystèmes marins, en interdisant par exemple certaines zones à la pêche profonde.
En 2005, les Etats ont décidé d’engager un processus de réforme de l’organisation en soumettant la convention de 1978 à une révision complète. Le processus de réforme, conduit sous la présidence de l’Union européenne avec une vice-présidence assurée par le Canada, s’est conclu par une réunion spéciale des parties au printemps 2007, qui a abouti à l’adoption d’un amendement à la convention de 1978. C’est cet accord que nous avons examiné ce matin.
La France doit approuver cet accord en tant que membre de l’OPANO au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, Saint-Pierre-et-Miquelon fait partie des « pays et territoires d’outre-mer », ou PTOM, au sens du droit de l’Union européenne. Pour ces territoires, la compétence de l’Union en matière de pêche ne s’applique pas. Les Etats membres de l’Union peuvent ainsi adhérer à des organisations régionales de pêche au titre de leur PTOM.
L’accord qui nous est soumis contient essentiellement des dispositions techniques. Il poursuit principalement deux objectifs : moderniser la convention en intégrant les nouveaux principes de gestion des ressources halieutiques et améliorer le fonctionnement de l’OPANO en réformant sa gouvernance.
En résumé, l’accord porte essentiellement sur des aspects institutionnels et sur le fonctionnement de l’organisation. Les auditions que j’ai réalisées ont confirmé qu’il n’aurait pas de conséquence économique et sociale sur la filière pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les difficultés de cette filière, décrites dans le dernier rapport annuel de la Cour des comptes, sont hélas bien réelles mais ne sont pas liées à la réglementation de l’OPANO.
L’amendement à la convention entrera en vigueur s’il est approuvé par 9 des 12 Etats membres de l’OPANO. Sept parties l’ayant déjà approuvé, l’approbation de la France contribuerait utilement à son entrée en vigueur. C’est pourquoi j’ai recommandé l’adoption de ce projet de loi. Il sera examiné en séance publique le 15 mars prochain. À suivre !