L’enjeu du volontariat des sapeurs-pompiers est important. La commission des affaires européennes du Sénat en a pris la mesure il y a déjà six ans, dès que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, en février 2018, son arrêt « Ville de Nivelles contre Rudy Matzak » – dit arrêt Matzak -assimilant un sapeur-pompier volontaire à un « travailleur », au sens de la directive 2003-88-CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
Notre commission avait alerté sur les conséquences négatives de cet arrêt, comme elle l’a fait par la suite, en 2021, sur l’arrêt « Ministrvo za obrambo » relatif au temps de travail des militaires. Concernant le volontariat des sapeurs-pompiers, dès novembre 2018, elle avait adopté un avis politique.
Depuis rien n’a été fait depuis pour sécuriser le volontariat des sapeurs-pompiers et nous sonnons l’alarme. Nous avons mené des auditions afin de nous éclairer sur l’évolution de la situation depuis six ans et confirmer la nécessité d’obtenir des garanties fermes pour faire reconnaître la spécificité de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et renforcer le dispositif européen de protection civile.
La proposition de résolution européenne n° 608 (2023-2024) soumise à la commission des affaires européennes vise à reconnaître la spécificité de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à renforcer le dispositif européen de protection civile. Elle s’inscrit dans un contexte renouvelé de réflexion collective sur les vulnérabilités des sociétés européennes face aux catastrophes naturelles et d’origine humaine, et sur la nécessité d’y apporter la réponse la plus efficace possible.
Ces vulnérabilités sont d’autant plus prégnantes aujourd’hui que la France et l’Union européenne sont insérées dans un « monde de réseaux » (réseaux d’eau, d’électricité, voies de transport, câbles sous-marins…) particulièrement exposé aux risques naturels (glissements de terrain) et d’origine humaine (actions malveillantes…).
La pandémie de covid 19 a également été un terrible révélateur de ces vulnérabilités en démontrant la dépendance importante du continent européen à l’égard de pays tiers pour l’approvisionnement en médicaments, en contre-mesures médicales (gants, masques…) etc…
L’agression russe en Ukraine, à compter du 24 février 2022, a également obligé les États membres de l’Union européenne à actualiser leurs procédures de secours, et à organiser, souvent dans l’urgence, une « chaîne de solidarité » en matière de secours à personne, de prise en charge médicale…
Enfin, sur le long terme, le dérèglement climatique, qui accroît le rythme des catastrophes naturelles (inondations ; feux de forêt ; séismes ; éruptions volcaniques…) et intensifie leur violence, dans l’Union européenne comme dans le reste du monde, impose une actualisation des procédures et un renforcement de la coopération.
Pour la seule France, rappelons, à titre d’exemple, les inondations torrentielles du Var à l’automne 2021 et celles de 2023 et 2024 dans le Pas-de-Calais et en Moselle, ou la terrible saison estivale 2022, marquée par la destruction de plus de 72 000 hectares brûlés.
Pour prévenir et répondre à ces catastrophes, la France, comme d’autres de ses partenaires européens, a fondé ses dispositifs de protection de la population sur l’engagement volontaire et, le plus souvent bénévole, des citoyens. Bien sûr, des moyens professionnels les appuient en cas de crise nécessitant une expertise ou de menace de grande ampleur. Mais elle considère que la sécurité civile est bien « l’affaire de tous ». Présents dans la plupart des centres de secours et conjuguant leur engagement civique avec leurs vies familiale et professionnelle, les sapeurs-pompiers volontaires sont la « colonne vertébrale » de cette organisation des secours : ainsi, 79 % des sapeurs-pompiers de notre pays sont des volontaires.
Or, pleine de bonnes intentions (renforcer la santé des travailleurs), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 3 février 2018, a décidé d’assimiler ces volontaires à des « travailleurs » au sens de la directive 2003/88/CE. Mais cette solution n’est pas adaptée car elle contribuerait en pratique à négliger l’engagement civique qui est au coeur du volontariat, à mettre en péril les finances des services d’incendie et de secours, et à menacer la pérennité de notre organisation des secours.
La présente proposition de résolution vise donc à demander la présentation et l’adoption d’un nouveau texte européen qui préserverait les volontaires de cette assimilation à des « travailleurs » et formaliserait la reconnaissance, par l’Union européenne, de l’importance de leur engagement.
Ce texte émet également plusieurs recommandations pour progresser dans la coopération européenne en matière de protection civile, en renforçant l’harmonisation des formations et de la doctrine opérationnelle des acteurs de la sécurité civile au niveau européen ou en confortant les expertises et les matériels mis à disposition des États membres par l’Union européenne en cas de crise majeure.
Ce faisant, cette proposition tend à consolider l’une des plus belles réussites de l’Union européenne, à savoir une solidarité européenne qui sauve des vies en additionnant les bonnes pratiques et les bonnes volontés, tout en respectant le principe de subsidiarité, impératif dans ce domaine afin de permettre aux dispositifs de secours les plus proches d’une crise d’y répondre en priorité.
Cette proposition de résolution a été examinée et adoptée le jeudi 20 juin 2024 par la commission des affaires européennes.