Faire face aux menaces grâce à une réserve militaire forte et territorialisée

Conférence de presse pour présenter notre rapport le 13 juillet 2016
Conférence de presse avec le sénateur Jean-Marie Bockel pour présenter notre rapport le 13 juillet dernier

La semaine dernière, la Commission des Affaires étrangères du Sénat a adopté mon rapport intitulé « Garde nationale/réserve militaire : une réserve militaire forte et territorialité pour face face aux crises ». À la lumière des évènements dramatiques qui ont touché notre pays la semaine dernière, ce rapport retient une approche réaliste et pragmatique de la réserve militaire et présente 50 propositions pour parvenir à la rendre forte et efficace.

La réserve militaire a longtemps été traitée comme un dossier de second rang, et régulièrement utilisée comme une variable d’ajustement budgétaire pour la défense. La professionnalisation des armées, à la fin des années 1990, avait vocation à se trouver accompagnée d’une réserve plus disponible et mieux formée, mais la montée en puissance de celle-ci, prévue depuis une vingtaine d’années par les Livres blancs successifs et les lois de programmation correspondantes, n’est jamais advenue.

L’émergence brutale sur le sol national, en 2015, d’une nouvelle forme de menace pour notre pays – le terrorisme djihadiste – a rapidement imposé comme indispensable la rénovation de la réserve. Il en va de l’efficacité des forces armées qui, sur-sollicitées en raison de la multiplication des engagements opérationnels, requièrent ce complément d’effectifs. Il en va également de la cohésion de la Nation, tant la réserve, placée par nature à la charnière de la société civile et des armées, en permettant une participation directe de l’ensemble des citoyens à la défense du pays, recèle de puissantes vertus « fédératives » pour le corps social.

À la condition d’être rendue plus forte, c’est-à-dire à la fois structurée par une « territorialisation » et réorganisée administrativement, plus nombreuse et mieux employée, et bien sûr dotée d’un budget conséquent avec les ambitions aujourd’hui placées en elle, la réserve militaire constituerait une « garde nationale » efficiente. Elle offrirait à l’armée active un appui opérationnel à la hauteur des nouveaux besoins de défense de notre territoire, et à la France un levier majeur de résilience et de renforcement interne.

Vous pouvez consulter l’intégralité de ce rapport en cliquant sur ce lien.

I.– Préconisations générales :

1.- conserver à la réserve des armées un statut et une vocation militaires ;

2.- structurer cette réserve en fonction d’une territorialisation ;

3.- assurer une coordination interarmées renforcée ;

4.- recruter en priorité des jeunes dans la réserve opérationnelle.

II.– Préconisations en ce qui concerne l’organisation de la réserve :

a) Tenir les promesses budgétaires :

5.- maintenir l’effort financier récemment dégagé en faveur de la réserve militaire ;

6.- amplifier cet effort pour accompagner la montée en puissance attendue en ce domaine.

b) Mettre en place une territorialisation :

7.- concevoir un maillage territorial qui ancre la réserve, et à travers elle les armées, sur l’ensemble du territoire national, notamment dans les « déserts militaires » et les secteurs identifiés comme présentant un risque de crise ou de troubles importants ;

8.- tirer parti, pour le recrutement de réservistes et leur emploi dans des missions de protection, de la proximité induite par cette réorganisation entre bassin de vie et lieu d’activité militaire.

c) Repenser la gouvernance :

9.- créer une Inspection générale de la réserve militaire, commandée par un officier général sous l’autorité du chef d’état-major des armées ;

10.- adjoindre deux officiers, dont un réserviste au moins et un gendarme, à l’inspecteur général ainsi proposé.

d) Bâtir une véritable gestion des res-sources humaines :

11.- doter les armées d’un système de pilotage et de suivi de la réserve, notamment quant à la programmation de l’emploi des réservistes opérationnels. À cet effet, mettre en place rapidement un système d’information moderne, comparable à celui dont dispose la gendarmerie, en veillant à la bonne conception de cet outil structurant ;

12.- s’efforcer de mieux exploiter les compétences individuelles des réservistes ;

13.- assurer une évolution des réservistes dans les grades de la hiérarchie militaire conformément à leurs mérites dans le service et à leur fidélité aux armées ;

14.- mener en leur faveur une politique de proposition aux distinctions, militaires et civiles, que justifie leur engagement.

e) Simplifier les procédures administratives :

15.- pour toutes les dimensions de l’emploi des réservistes opérationnels, rationaliser les procédures en les standardisant et en promouvant un formulaire unique ;

16.- recourir à la dématérialisation à chaque fois qu’elle est possible, par exemple pour le « bon unique de transport » (BUT) délivré aux réservistes ;

17.- mettre en place une organisation des visites médicales d’aptitude qui permette aux volontaires pour servir dans la réserve de franchir rapidement cette étape, sans la négliger, et réexaminer la pertinence de la grille d’évaluation en vigueur en la matière, en fonction des cibles de recrutement.

III.– Préconisations en ce qui concerne l’effort vers les viviers de la réserve :

a) Développer l’attractivité :

envers les salariés :

18.- instaurer un dispositif permettant la conversion en droits à des heures supplémentaires de formation des activités effectuées au titre de la réserve militaire ;

19.- rétablir un crédit d’impôt pour les entreprises employant des salariés par ailleurs réservistes opérationnels ;

20.- organiser une concertation en vue d’aboutir, pour les plus grands groupes et sociétés, à un relèvement du congé légal opposable par le salarié-réserviste à son employeur – au moins à huit jours, contre cinq actuellement, hors meilleur arrangement toujours possible sur une base conventionnelle. Cette démarche n’est pas exclusive d’une concertation avec les PME en vue d’envisager tous les progrès possibles sur ce plan ;

21.- poursuivre le développement des conventions de partenariat entre les entreprises et le ministère de la défense, en sensibilisant les employeurs à la « valeur immatérielle » que représentent les réservistes pour leur entreprise.

envers les étudiants :

22.- promouvoir des dispositifs de validation au sein des formations supérieures des compétences et connaissances acquises par les étudiants à l’occasion d’activités dans la réserve, ainsi que la possibilité d’aménagements de scolarité au bénéfice de ces étudiants-réservistes ;

23.- intensifier le développement des conventions de partenariat entre les établissements d’enseignement supérieur et le ministère de la défense, en sensibilisant les chefs d’établissement à la dimension formatrice et au potentiel d’intégration professionnelle que comporte, pour un étudiant, sa participation à la réserve ;

24.- étendre cette politique partenariale aux établissements de l’enseignement secondaire, en vue du recrutement de lycéens dans la réserve.

en améliorant la condition sociale et financière des réservistes :

25.- ouvrir aux réservistes opérationnels, pour leurs période d’activité dans les armées, le droit à la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile (PSAD) ;

26.- mettre à l’étude l’instauration d’une prime de fidélité pour les réservistes décidant de renouveler leur engagement auprès des armées ;

27.- prendre en compte le critère de la participation à la réserve militaire pour l’attribution des bourses d’études.

b) Diversifier les recrutements :

28.- promouvoir le recrutement dans la réserve opérationnelle de volontaires directement issus de la société civile, en priorité celui de jeunes gens grâce à une politique de partenariat renforcée entre le ministère de la défense et les établissements d’enseignement concernés et au moyen d’une communication adaptée ;

29.- accroître le recrutement dans la réserve opérationnelle de demandeurs d’emploi, en développant à cet effet une coopération entre les armées et Pôle Emploi ;

30.- exploiter également, pour ce recrutement, le vivier des travailleurs intérimaires.

c) Améliorer la communication :

31.- renforcer la thématique « réserve » dans le déroulement de chaque « Journée nationale du réserviste » (JNR) ;

32.- faire appel à l’appui offert par les associations de réservistes et par les réservistes citoyens des armées ;

33.- diversifier les vecteurs de communication sur la réserve, en mobilisant davantage les ressources d’Internet et, en particulier, les réseaux sociaux, ainsi qu’en développant de nouveaux formats d’information ;

34.- délivrer un contenu d’information qui comporte une dimension pédagogique forte sur l’organisation de la réserve militaire et mette l’accent sur les valeurs attachées à cet engagement ;

35.- adapter cette communication en fonction des destinataires ciblés.

IV.– Préconisation en ce qui concerne l’emploi des réservistes :

a) Définir une doctrine d’emploi de la réserve opérationnelle de 1er niveau (RO1) :

36.- définir une doctrine qui décline, dans les contrats opérationnels des armées et leurs scénarios de crise, les cas et volumes d’emploi de réservistes ;

37.- prendre en compte la RO1 dans la nouvelle « posture de protection terrestre ».

b) Exploiter la ressource de la réserve opérationnelle de 2e niveau (RO2) :

38.- rendre possible de faire effectivement appel à la RO2, en identifiant mieux les réservistes soumis à l’obligation statutaire de disponibilité dont elle se compose, grâce à la mise en place des outils de gestion adéquats, et le cas échéant en ciblant les seuls anciens militaires ayant quitté l’institution depuis moins de deux ans ;

39.- intégrer la RO2 aux schémas opérationnels de mobilisation des armées.

c) Cultiver les coopérations avec la gendarmerie :

40.- intégrer la coordination avec la gendarmerie dans la doctrine d’emploi de la réserve opérationnelle des armées ;

41.- multiplier les exercices et opérations faisant collaborer ces forces.

d) Optimiser la réserve citoyenne :

42.- mettre en place une coordination des activités de la réserve citoyenne, au moyen d’un plan annuel de mobilisation de celle-ci que l’état-major des armées élaborerait et que les armées, localement, déclineraient en « feuilles de route » individualisées. Sur cette base, les réservistes citoyens rendraient compte à l’autorité militaire des objectifs qu’ils auraient pu atteindre. Des régions ou départements pilotes pourraient être retenus en vue d’une expérimentation en la matière ;

43.- dans le même but, élaborer à destination des réservistes citoyens, sous la responsabilité de l’état-major des armées, des « kits » d’information sur les enjeux de défense, régulièrement actualisés ;

44.- recentrer la réserve citoyenne sur sa vocation militaire, en l’employant exclusivement au bénéfice du « rayonnement » des armées et des besoins d’enseignement de défense dans la société civile ;

45.- dans le même but, favoriser toutes les passerelles et synergies possibles entre la réserve opérationnelle des armées et leur réserve citoyenne, à l’image du processus en cours dans le domaine de la cyberdéfense.

e) Clarifier la relation avec les réserves civiles :

46.- développer une communication distinguant nettement les réserves militaires et les réserves civiles ;

47.- clarifier l’articulation opérationnelle entre réserves militaires et réserves civiles.

V.– Préconisations pour la création d’une « garde nationale » :

48.- rejeter tout projet conduisant à la mise en place d’une armée parallèle aux forces existantes ou d’une organisation trop complexe ;

49.- fonder la « garde nationale » sur la réserve militaire rénovée, notamment, par sa territorialisation et respectant les principes définis par vos rapporteurs : statut et vocation militaires, structuration à partir du territoire, forte coordination interarmées, recrutement prioritaire de la jeunesse ;

50.- retenir a priori le nom de « Garde nationale » pour ce dispositif, traduisant ainsi le passage de la réserve d’un rôle de « réservoir » de forces à celui d’outil de défense à part entière.