L’urgence sanitaire et écologique pour dépolluer efficacement et durablement les sols après cessation d’activité industrielle ne fait plus de doute aujourd’hui. Plus généralement, il devient nécessaire pour les pouvoirs publics de prendre à bras le corps une politique industrielle de réhabilitation des sols pollués sur l’ensemble de nos territoires métropolitains et ultra-marins.
La base de données BASOL, consolidée à l’échelle nationale par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, recense ainsi 6 800 sites et sols pollués, ou potentiellement pollués en France, auxquels s’ajoutent près de 300 000 anciens sites industriels potentiellement pollués dont le recensement reste à faire.
Ainsi, par exemple, entre 1892 et 2004, les mines et usines dites de Salsigne, situées à 15 km au nord de Carcassonne, ont accueilli la plus grande mine d’or d’Europe mais aussi le premier producteur au monde d’arsenic et autres métaux lourds générés. En 2004, la mine a été fermée, en laissant un passif environnemental et sanitaire dramatique : 1,2 million de tonnes de produits hautement toxiques mélangés dans un total de 14millions de tonnes de déchets sous la forme, notamment, de deux grandes collines artificielles mais aussi de dépôts à l’air libre. Le confinement et l’étanchéité des déchets étaient garantis par l’État pour cinquante ans. On sait aujourd’hui qu’ils n’auront pas tenu quinze ans. Ce sont, selon les études, de 3 à 8 tonnes d’arsenic et autres polluants qui se déversent et se déverseront dans la rivière Orbiel puis dans le fleuve Aude. Les vents se chargent également de disperser tous les toxiques laissés à l’air libre. La situation est d’autant plus préoccupante que les inondations d’octobre 2018 ont lessivé les divers dépôts de déchets, déposant en aval des quantités hors norme d’arsenic et autres polluants bien au-delà de 10 kilomètres en aval. Suite à de nombreuses interpellations des habitants de la Vallée et de leurs élus, le ministère des solidarités et de la santé a récemment demandé à l’agence régionale de santé (ARS) de prendre des dispositions sanitaires et de mettre en place en juin et juillet 2019 un dispositif de surveillance sanitaire individuelle.À l’heure actuelle, le constat est dramatique : plus de 58 enfants ont été surexposés à l’arsenic.
Cet exemple illustre les questions et les interrogations des parlementaires au niveau national, tant ces problématiques se retrouvent à l’identique dans de très nombreux territoires en France.
Face à ce constat particulièrement inquiétant, des mesures d’envergure nationale s’imposent. Elles sont de santé publique et environnementale. Or, force est de constater que les pouvoirs publics ont privilégié des mesures de réaction et non d’anticipation. Et c’est là le problème. Pourquoi les autorités publiques n’ont-elles pas organisé de façon efficace et durable la dépollution des sites industriels lorsque l’activité a cessé ? Quels sont les dispositifs d’accompagnement existants et pourquoi sont-ils insuffisants ? Comment ont-elles pu laisser se mettre en place des zones contaminées hautement dangereuses pour la santé et la sécurité des habitants sans les informer ? Pourquoi les élus locaux, souvent seuls dans la gestion de situations de crise sanitaire, continuent-ils de se heurter trop souvent au silence des administrations ? Comment se fait-il que nous ne parvenions pas à obtenir une cartographie exhaustive et publique des facteurs polluants présents dans le sol au niveau national ?
L’objet de cette commission d’enquête est de répondre à ces questions, d’abord en dressant un état des lieux aussi précis que possible, première pierre pour renouer avec la confiance des Français sur ces questions et de répondre aux inquiétudes sanitaires de celles et ceux qui ont été exposés.
Ce constat dressé, il s’agirait d’envisager la mise en œuvre de solutions de réhabilitation. Ces sites fortement pollués et dégradés sont en effet le plus souvent laissés en déshérence, alors qu’ils sont fréquemment situés aux abords des agglomérations.Ne pas envisager une solution post-dépollution est également une erreur stratégique. Une fois dépolluées et traitées, les friches industrielles peuvent en effet devenir des outils nouveaux d’aménagement qui répondent aux enjeux écologiques. Comment ? Par des aménagements à vocation logistique ou de stockage, par la création de pôles d’innovations accueillant des pépinières d’entreprises. Ces sites peuvent également être utilisés pour produire des énergies renouvelables en y installant des panneaux photovoltaïques comme par exemple aux Ponts-de-Cé dans le Maine-et-Loire.
La reconversion des friches industrielles est une solution d’avenir avec un modèle d’aménagement durable au service des territoires et de leur développement et il convient d’examiner l’ensemble des dispositifs que les autorités nationales et locales peuvent et doivent mettre en œuvre.
Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols
Article unique
En application de l’article 51-2 de la Constitution, de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 6 bis et 8 ter du Règlement du Sénat, il est créé une commission d’enquête composée de 21 membres sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols.