Très respectueuse de l’action qui est menée par le CICR au cœur des zones de conflits, je m’inquiète de l’attitude de certains responsables politique à l’encontre des ONG. Aussi, j’ai profité de l’audition de Fabrizio Carboni, le directeur Moyen Orient du Comité international de la Croix Rouge, le 15 mai dernier pour l’interroger sur les conditions d’exercice de sa mission. Je l’ai d’abord interpellé sur le sort de Louise Akavi, infirmière néo-zélandaise otage du groupe EI depuis 5 ans, et du groupe de personnes qui acheminaient des médicaments vers les unités de soins. Par ailleurs, après avoir rendu hommage à l’action du CICR, j’ai souhaité interroger Fabrizio Carboni sur les pistes de réformes possible du droit international en la matière.
Fabrizio Carboni nous a fourni des éléments sur la situation très complexe des ressortissants étrangers se trouvant en Irak et en Syrie, qui sont liés directement ou indirectement à l’État islamique. Pour le CICR, les principes de l’action humanitaire sont un socle fondamental qui doit s’appliquer indépendamment de la nationalité des bénéficiaires, un cadre juridique doit être respecté. Si les gens ont commis des crimes, qu’ils soient poursuivis, jugés, condamnés et le cas échéant mis en prison. En revanche, pour Fabrizio Carboni, il n’est pas acceptable de les maintenir dans des limbes juridiques ou de les soumettre à des mesures qui ne rentrent pas dans un cadre juridique acceptable. Il a ensuite expliqué les différences importantes qui existent d’un point de vue humanitaire entre la Syrie et l’Irak. Dans le nord-est syrien se trouvent ces camps. Ils sont sous contrôle d’un groupe non-étatique – les FDS. Ces groupes se sont battus, également pour des États qui voulaient en finir avec l’État islamique. Pour le CICR, les États qui appuient des intermédiaires sur le terrain ont des responsabilités également sur le comportement actuel et futur de ces groupes. Ils ont ainsi une responsabilité à aider ces groupes à respecter le droit des conflits armés. Dans le cas du nord-est syrien où se situent des femmes et enfants, ainsi que des détenus dont les enfants de plus de 12 ans, il y a une obligation pour tous les États qui ont appuyé ce groupe armé sur le terrain de remplir leurs obligations humanitaires. Le premier article des conventions de Genève impose de respecter et de faire respecter le droit des conflits armés – c’est sur ce segments du droit internationale que le CICR s’appuie.
Pour les ressortissants, cela pose la question de la responsabilité de leurs États d’origine. Chaque État a sa propre législation. En tant qu’humanitaires, le CICR aborde cette question sous un angle différent. On a du mal à envisager une solution qui n’implique pas les États, et notamment les États d’origine. En Syrie, le camp d’al-Hol est littéralement au milieu de nulle part. L’hiver dernier, une vingtaine d’enfants sont littéralement morts de froid. L’été, les températures vont atteindre les 50 degrés, sur des tentes se trouvant dans des zones dégagées. Le CICR interpelle les états d’origine, tout en assurant qu’il n’y a pas de solution qui n’ait pas un coût politique et sécuritaire. C’est la raison de l’appel du président du CICR à faire preuve de courage politique. En Irak, la situation est différente, il y a un État. Mais, et c’est de notoriété publique, l’Irak est confronté à une situation très difficile dans les lieux de détention. Le nombre de personnes détenues est important. La législation prévoit une responsabilité pénale des enfants à partir de 9 ans. Les garanties judiciaires ne sont pas faciles à appliquer, le cadre juridique n’est peut-être pas assez clair pour permettre aux États d’origine d’agir. Dès lors, qu’il s’agisse du cadre humanitaire et sécuritaire, le statu quo n’est pas une option.