2022, un tournant pour la défense européenne ?

Force est de constater que 2022 aura été, pour l’Europe, une année charnière. Après le défi sanitaire, le défi de la guerre. La guerre et son funeste cortège de conséquences et d’interrogations sur nos forces mais surtout sur nos faiblesses : l’autonomie énergétique, l’inflation, la défense, la sécurité, l’agrandissement, l’état de droit, les ressources, la souveraineté…

Alors que la défense européenne n’était plus qu’un vain fantasme de certains, peu nombreux, qui osaient penser plus loin que l’OTAN, et que le fonds européen de défense que nous nous étions battus pour créer et abonder, avait été siphonné pour faire face au COVID 19, l’Europe s’est enfin décidée à faire siens les mots d’« autonomie » et de « boussole stratégique ». Au-delà de l’aide militaire inédite apportée aux forces armées ukrainiennes, de la décision de faire entrer l’Ukraine et la Moldavie dans le processus d’élargissement, le premier semestre a été marqué par l’adoption du premier livre blanc de la défense européenne. Cette boussole stratégique européenne a fait l’objet d’un accord unanime des États membres à l’occasion du Conseil européen du 25 mars dernier, et il convient de le saluer. 

Ce soutien politique est inédit et doit reposer sur un triptyque : la stratégie, la technique, et la crédibilité.

L’Union européenne devrait prochainement et enfin se doter de la base industrielle et technologique de défense (BITD) autonome, qui sera le fondement techniquede son indépendance. 

Désormais l’Union doit mettre en œuvre la feuille de route fixée par la boussole stratégique : c’est une condition nécessaire pour garantir la crédibilitéde l’Union sur la scène internationale.

Cette stratégie, quelle est-elle ?

  • déjà une lecture partagée des menaces auxquelles l’Europe doit faire face ;
  • ensuite le renforcement de la capacité d’action rapide, de commandement et de contrôle.
  • Troisièmement, le renforcement de la coopération face aux menaces hybrides, dans des domaines tels que le renseignement, le cyber, l’espace ou la lutte contre la désinformation. 
  • Le quatrième  chapitre aborde  la question  des investissements communs en matière de capacités militaires. 
  • Enfin, le dernier chapitre est destiné aux partenariats stratégiques de l’Union.

Il reste une série de questions que les Etats-membres ont une nouvelle fois pris le soin d’esquiver et que je résumerai en une phrase : la  défense  européenne doit-elle être considérée comme un projet visant la coopération ou l’intégration ?

Tant  que nous ne clarifierons pas ce que notre politique de défense commune est censée représenter au sein de la construction européenne, nous ne serons pas en mesure de comprendre ce que l’Union doit faire et ce qu’elle ne doit pas faire. Ni de départager  les attributions respectives de l’Union et de l’OTAN. 

Parce que le retour de la guerre n’est plus une hypothèse d’école, notre action ne sera crédible qu’à la condition que nous fassions les efforts techniques et stratégiques nécessaires.  

Ces efforts de coopération, allons-nous les retrouver dans notre politique de voisinage ? Depuis le 23 juin dernier, la politique de voisinage et d’élargissement de l’Union européenne est entrée dans une phase complètement inédite. Se pose alors la question suivante : comment valoriser, dans le processus d’élargissement, les efforts incontestables réalisés par l’Ukraine et la Moldavie dans le cadre du Partenariat oriental ? Est ce qu’on prend en compte les acquis obtenus ou est-ce qu’ils repartent à zéro dans cette procédure longue? 

Bon élève du Partenariat oriental, quid de la Georgie ? Pourquoi ? Et ne disons pas qu’elle ne remplissait pas les critères car les trois pays étaient à parité dans la réalisation des objectifs fixés ?

Début octobre était organisée la première réunion de la Communauté politique européenne, voulue par le Président Macron, permettant, selon lui, « aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs, de trouver un nouvel espace de coopération politique, de sécurité, de
coopération ». 

Prompte à saluer toute initiative de coopération, je m’interroge sincèrement sur le fonctionnement de nos instances européennes et internationales existantes : ne sont-elles pas censées déjà être cet espace ? De même périmètre que le Conseil de l’Europe, ne s’agit-il pas d’un doublon ? Comment seront vécues les futures réunions prévues en Moldavie et en Espagne ?

Si repenser l’influence de l’Union européenne consiste à créer de nouvelles instances plutôt que de muscler les instances existantes, mes chers collègues, je crois que nous avons déjà perdu face aux appétits chinois !

Et je m’interroge : si nous n’arrivons pas à trouver des positions communes à 27, allons-nous y arriver à 44 ? 

Et puis il y a un risque grave : celui que l’Union ne s’écartèle sous le poids des ensembles régionaux devenus trop puissants ; ou qu’elle ne se détruise en raison d’intrusions de super puissance bien mieux organisées que nous. 

Mais soyons magnanimes : le succès de la nouvelle phase de la politique d’élargissement qui s’est ouverte cet été reposera sur la capacité de l’Union européenne à faire preuve de pragmatisme et à développer des coopérations concrètes avec nos partenaires. La CPE peut en être un des éléments.

Entre une adhésion accélérée illusoire et une procédure interminable aux effets délétères, la Communauté politique européenne a au moins le mérite d’arrimer rapidement à l’UE les pays aspirants à la rejoindre

La création de la CPE soulève des interrogations qu’il convient d’élucider dans les meilleurs délais, et notamment celle de l’avenir du Partenariat Oriental. Quel est son devenir ? 

Laissé à l’abandon malgré nos appels, voici le Partenariat relégué contre des promesses d’adhésion. Finalement, le fait que le même commissaire européen (Olivér Várhelyi) soit compétent pour la politique d’élargissement et pour la politique de voisinage était prémonitoire : comme si la politique de voisinage à l’Est s’était réduite à n’être qu’une rampe d’accès à l’espoir d’une possible adhésion à l’Union.

C’est véritablement dommageable.

La réponse de la Ministre :