Le 7 mars, la Commission d’enquête a organisé une table ronde sur la caractérisation des opérations d’influence et la résilience des organisations. Nous devons nous attacher à caractériser les menaces avec le plus de précision possible. Ce faisant, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réflexion sur nos propres vulnérabilités, et donc sur le niveau de résilience de nos institutions, et de notre société dans son ensemble, face à ces menaces. Le regard des chercheurs participe à nous éclairer sur ces différents aspects.
Maud Quessard est maître de conférences des universités et directrice du domaine « Europe, Espace Transatlantique, Russie » à l’IRSEM. Elle est spécialiste de la politique étrangère des États-Unis, mais son champ de recherches s’est étendu, plus généralement, aux compétitions de puissance, aux guerres de l’information et aux stratégies d’influence.
Maxime Audinet, est chercheur sur les « stratégies d’influence » à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM). Il est spécialiste de la Russie, et plus généralement sur la place de l’influence dans la politique étrangère des États autoritaires. Il a notamment publié plusieurs travaux sur l’influence russe en Afrique subsaharienne et son ouvrage Russia Today (RT): Un média d’influence au service de l’État russe vient d’être réédité.
Laurent Cordonier, est docteur en sciences sociales et dirige la recherche de la Fondation Descartes. Il est spécialiste des questions relatives à l’information, à la désinformation et au débat public. Il a récemment participé aux travaux de la commission présidée par Gérald Bronner sur « Les Lumières à l’ère du numérique », constituée à la demande du président de la République.
Ma Question : « Je souhaite rebondir sur vos observations à propos de la création de chaines comme CNews car nos concitoyens regardent aujourd’hui bien souvent les chaînes d’information en continu. Ne faudrait-il pas, par le biais de l’éducation ou par le biais d’un bandeau apparaissant à l’écran, faire en sorte que les personnes sachent d’où on leur parle et qui leur parle, puisque vous avez bien souligné la différence entre le contenu d’opinion et le contenu d’information ? En effet, bien souvent, nos concitoyens – même s’ils sont, j’en suis intimement persuadée, relativement éclairés, mais pas tous – peuvent être pris dans le piège de ces informations que je ne veux qualifier ni de fausses ni de vraies, mais qui traduisent un certain point de vue assez univoque. Avant le phénomène de concentration des médias, vous pouviez lire des journaux en sachant d’où le journaliste parlait. Depuis l’acquisition des journaux par les mêmes actionnaires, il y a eu une dilution de l’information. Je veux bien qu’on parle d’esprit critique mais celui-ci se forme à partir d’une information elle-même basée sur des éléments que nous ne percevons pas tous de la même manière. Je serais donc très intéressée par votre point de vue à ce sujet.
Enfin, pour retisser un peu de la confiance il faut, par définition, ne pas baigner dans un flot de défiance, or aujourd’hui, notre société a un peu hérité – et je ne critique ici en aucune façon l’État – d’une tendance très procédurière « à l’américaine », où on met en cause tout et n’importe quoi sur la base d’arguments parfois non vérifiés ou dont on peut douter de la véracité. Quel est également votre regard dans ce domaine ? «