Comment le Gouvernement a-t-il élaboré la cartographie des zones soumises à contrainte naturelle et spécifique ?

À l’occasion de l’examen par le Séant d’une proposition de résolution européenne sur la politique agricole commune, je suis intervenue cet après-midi au Sénat pour dénoncer la méthode du Gouvernement dans l’élaboration de la cartographie des zones soumises à contrainte naturelle et des zones soumises à contrainte spécifique.

Nous sommes nombreux à appeler depuis bien longtemps une politique agricole renouvelée dans son projet et ses instruments. Une PAC qui soit, sous l’impulsion du gouvernement, au service des agriculteurs et des biens communs européens exige notamment une contribution au développement des territoires fragiles dans l’hexagone et outre-mer.

Sénateurs, maires, députés européens, avons cherché à connaître le détail de la cartographie des zones soumises à contraintes naturelles et des zones soumises à contraintes spécifiques. En vain. Puis elle est apparue, au détour d’une réunion du Conseil National d’Évaluation des Normes qui se tenait au Sénat. Est-ce normal ? Non je ne le crois pas.

La carte en main, nous avons cherché à en connaître les données pédologiques ou biophysiques, les critères sélectifs qui ont permis d’y faire rentrer un grand nombre de communes, mais en ont sorti brutalement de nombreuses, comme c’est le cas dans mon département de l’Aude et dans celui du Gers.

« Las, ni vous ni moi, ni la Commission européenne, ne sommes en mesure d’obtenir les critères qui ont permis à votre Gouvernement, Monsieur le Ministre, de faire des choix aux conséquences vitales pour nos agriculteurs et pour nos communes. « 

Quelles sont les données dont nous disposons aujourd’hui ?

Pour les zones soumises à contrainte naturelle, c’est l’utilisation des données anciennes, bancales, qui a prévalu. Pas adaptées aux critères du règlement européen et à la réalité de nos territoires.
Pour l’exercice d’affinement économique qui aurait pu permettre de lisser la carte, vous avez choisi l’échelle des petites régions agricoles, (PRA) échelle qui date de 1946. Quelle Logique ! Aujourd’hui les PRA sont un ensemble économiquement hétérogène, notamment dans le Gers, et une cartographie basée sur de telles données est immanquablement discriminatoire.

Je pourrais aussi vous parler du recours au recensement agricole, du calcul de la surface agricole utile mais je ne dispose que de 5 minutes…

Pour les zones soumises à contrainte spécifique, où vous disposiez d’une marge de manœuvre plus large, le critère du maintien de l’activité touristique a été omis. C’est regrettable.
Comme une résolution européenne du Sénat, dont je suis l’autrice, vous y invitait, vous pouviez utiliser le critère de continuité territoriale pour intégrer dans le zonage à contraintes spécifiques des territoires plus étendus, et non uniquement des communes isolées, qui se trouvaient jusqu’ici exclus de la cartographie des zones défavorisées simples. C’était à votre discrétion. Et bien ça non plus vous ne l’avez pas fait. Mais pourquoi ?

Venons-en aux conséquences de telles décisions: elles sont économiquement et socialement dramatiques, pour les agricultrices, pour les agriculteurs, pour les exploitations les plus fragiles, dont bon nombre seront amenées à disparaître, alourdissant encore la désertification rurale.

« Monsieur la Ministre, je répète cette phrase à tous vos collègues à chaque fois que je m’exprime sur ce sujet : derrière un point sur la carte se dessinent de véritables drames humains. Quand cesserez-vous de les ignorer ? Que va-t-il advenir face à l’appauvrissement de ces territoires ? »

Je pense aux élus de la Piège, dans l’Aude, qui, à l’annonce de l’exclusion de leurs communes de la cartographie des zones défavorisées simples, ont placé, à l’entrée de leurs communes, des écriteaux « Village à vendre ». L’incompréhension des éleveurs, des jeunes agriculteurs, est d’autant plus forte qu’ils se sont investis pour obtenir leur statut, moderniser leurs exploitations, se convertissant pour beaucoup dans l’agriculture biologique.

« Monsieur le Ministre, où sont ces données ? Pourquoi refuser de les communiquer ? La justice administrative a été saisie, le Ministère a donné des informations a minima, quand il a bien voulu donner les bonnes ! C’est insuffisant ! Est-ce qu’il s’agit de faire en sorte d’éviter les recours devant le tribunal administratif ? « 

Je sais que vous allez me répondre que le Gouvernement a prévu d’accompagner les territoires et les agriculteurs qui sortiront du zonage à partir de 2019. La précedente Ministre des Affaires européennes, évoquait une période de transition de 2 ans pour lisser les effets de la réforme. Et après, plus rien ?

« Monsieur le Ministre, la sortie de la cartographie des zones défavorisées simples implique pour les producteurs agricoles la caducité des agréments sanitaires, nécessaires pour la vente des produits issus de circuits courts au-delà de la distance de 80 km (qui jusque-là, par dérogation du préfet, pouvait aller jusqu’à 200 km).

Et puis, je ne vous apprends rien, la sortie du zonage entraînera des lourdes conséquences financières pour les jeunes agriculteurs, qui perdront alors la bonification de leur aide à l’installation.

Mes chers collègues, cette intervention a pour objectif de démontrer que l’attitude de ce Gouvernement va à rebours de l’engagement public qui est le nôtre en faveur du développement et de la prise en compte des inégalités territoriales dont l’hyper-ruralité souffre tout particulièrement. « 

La question de l’ICHN justifie, une action résolue des pouvoirs publics français. Les difficultés que je viens de soulever va à l’encontre de l’action cohérente dont nos territoires ont besoin, dans la PAC présente et celle à bâtir.