Initialement prévu le 29 mars, puis le 12 avril, le Brexit devrait finalement avoir lieu le 31 octobre. Date qu’ont arrêtée, lors du conseil extraordinaire du 10 avril dernier, les vingt-huit dirigeants de l’Union européenne. Ce report a une conséquence directe : l’organisation d’élections européennes au Royaume-Uni. En effet, le Royaume-Uni restant un pays membre de l’UE à la date des élections prochaines, entre le 23 et le 26 mai, des députés européens doivent être élus. Cette décision a de sérieuses répercussions sur la politique intérieure britannique.
C’est dans ce contexte, qu’en tant que membre de la commission des affaires européennes et du groupe de suivi sur le Brexit au Sénat, j’ai participé à un déplacement à Londres et Edimbourg afin d’appréhender, sur le terrain, les conséquences du retrait du Royaume-Uni, et d’échanger avec différents protagonistes rencontrés des futurs scénarios possibles concernant le Brexit.
Suite au report du Brexit au 31 octobre, trois scénarios sont désormais imaginables :
- la ratification au forcing d’un accord de divorce avec l’Union européenne. Si le gouvernement britannique parvenait à faire ratifier le traité du divorce dans les semaines ou mois à venir, et avant la fin octobre, le Brexit serait effectif le premier jour du mois suivant cette ratification. À noter que pour que la ratification soit complète, il faut que le Parlement européen approuve le texte.
- la chute de Mme May et son remplacement par un partisan d’un Brexit plus musclé, Boris Johnson par exemple.
- enfin, un ensablement progressif du projet de séparation, avec ou sans Mme May, conduisant à des élections législatives et/ou à un second référendum.
De nombreux scenarios de sortie sont donc encore envisageables, et ce fut le cœur de nos discussions à Londres, notre première étape lors de ce déplacement.
J’ai eu des échanges passionnants avec différents élus et membre du cabinet de la Première Ministre britannique, Theresa May. Nous avons en effet rencontré :
- M.Robin Walker, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre du Brexit
- M.Denzil Davinson, conseiller spécial affaires européennes de Theresa May
- M.Jonathan Black, directeur général Europe du cabinet de Theresa May
- M.Jean-Pierre Jouyet, Ambassadeur de France au Royaume Uni
- M.Hilary Benn, président de la commission des Communes en charge du Brexit
Je les ai notamment interrogés sur la préparation du gouvernement britannique à un retrait sans accord : le Royaume-Uni est-il prêt, notamment pour faire face aux risques de pénurie dans certains secteurs clés ? Quels sont les secteurs les plus vulnérables qui nécessiteraient le maintien de relations étroites avec l’UE ? Quelle relation future possible entre l’UE et le Royaume-Uni ? En matière économique, le Royaume Uni cherchera-t-il à conclure un accord global avec l’Union européenne ou à négocier un accord secteur par secteur ?
Nous aussi abordé la question immédiate de l’organisation des futures élections européennes : comment imaginer que des candidats britanniques pro-brexit puissent faire campagne pour siéger au Parlement européen dans le contexte actuel ? Comment vont se positionner les futurs députés britanniques concernant les postes clés au Parlement européen ? Doivent-ils rester en retrait ? Qu’adviendra-t-il de ces députés une fois que le Royaume Uni aura quitté l’Union ? Doivent-ils partir dans l’immédiat ?
Vous l’aurez compris, de nombreuses questions se posent… et les réponses manquent dans l’immédiat !
A Édimbourg, notre deuxième étape, nous nous sommes entretenus avec :
- M.Graeme Jones, Directeur exécutif de la Scottish Financial Entreprise
- Mme Joanna Cherry, parlementaire du SNP
- M. Peter Jackson et M.Steven Tyre, Professeurs.
Les discussions ont notamment porté sur la volonté des écossais de s’émanciper du Royaume Uni. Pour rappel, lors du vote sur le Brexit en juin 2016, l’Écosse alargement voté pour le « Remain » (62 %). L’Ecosse n’était pas tant attachée à son union avec l’Angleterre qu’à sa présence au sein de l’Union européenne… et c’est pourquoi voilà bientôt trois ans que le gouvernement écossais se bat pour demeurer dans l’Union européenne, avec ou sans le reste du Royaume-Uni.
Le 24 avril dernier, Nicola Sturgeon, Première ministre écossaise et leader du SNP a même déclaré que le gouvernement écossais allait introduire « prochainement » un projet de loi permettant d’organiser un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Ecosse d’ici 2021. En 2014, les Écossais s’étaient prononcés à 55% contre l’indépendance, mais le Brexit pourrait changer la donne.