Le 13 février dernier, la mission d’information a auditionné Jean Merlet-Bonnan, avocat associé du cabinet Exème Action sur l’organisation de la solidarité nationale en cas de catastrophe naturelle.
La reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle n’est encadrée par aucun texte réglementaire, la décision de l’administration relevant d’un pouvoir presque discrétionnaire. Les sinistrés se voient opposer une décision sans explication, prise de manière totalement opaque. La loi de 1982 a constitué une grande avancée dans le domaine des catastrophes naturelles : elle est mise en place afin d’éviter que le sinistré se retrouve seul face à son assurance, qui peut très facilement refuser de reconnaître l’état de catastrophe naturelle. L’assurance avait les moyens d’attendre un procès et une expertise judiciaire, le sinistré ayant parfois peu de possibilités de contestation. Le législateur, sur la base du préambule de 1946, a souhaité fonder cette loi sur le principe de solidarité nationale et d’égalité de tous les Français devant les charges résultant de ces calamités nationales. La loi de 1982 a donné lieu à différents articles dans le code des assurances, dont l’article L. 125-1, qui prévoit que sont pris en charge au titre des catastrophes naturelles les dommages matériels directs susceptibles de mettre la garantie en œuvre. Ces préjudices doivent revêtir un caractère non assurable et être causés par un événement naturel anormal.
Pour les sinistrés, il n’est pas toujours évident d’être reconnu comme victime d’une catastrophe naturelle. Aujourd’hui, ce qu’on demande concrètement aux maires, c’est de transmettre le Cerfa au préfet. Ce Cerfa, en fonction des différents types de catastrophes naturelles, a un rôle différent, contrairement aux circulaires de 1984, 1988 et 2014, qui donnent aux préfets un rôle instructeur. Ainsi, s’agissant d’une inondation, le préfet récupère les rapports de ses services internes, un rapport géologique, un rapport local de Météo-France, le Cerfa, et transmet ses éléments au ministère, sans autre étude complémentaire.
Trois améliorations sont possibles selon Jean Merlet-Bonnan : La première consiste bien évidemment à encadrer l’action de l’administration. Nous disposons aujourd’hui uniquement d’un texte législatif large, qui laisse tout champ d’action à l’administration. Le Premier ministre n’est pas tenu de prendre un décret pour préciser les critères permettant de caractériser l’intensité anormale d’un agent naturel, le législateur ne l’ayant pas prévu. Le Conseil d’État estime donc que les communes n’ont pas à réclamer un texte réglementaire, dans la mesure où le législateur ne l’a pas prévu dans la loi. C’est presque un appel à légiférer que lancent les communes et le Conseil d’État.
Ceci permettrait d’améliorer le ressenti des sinistrés qui ne sont pas toujours fondés à réclamer l’état de catastrophe naturelle, mais ne comprennent pas comment leur dossier a été traité. L’arrêté de catastrophe naturelle a un statut très particulier, le Conseil d’État considérant qu’il ne s’agit pas d’un texte réglementaire classique. Même si c’est un arrêté interministériel, sa valeur juridique un peu particulière relève des tribunaux administratifs en premier ressort. Prenons donc acte de cette nature particulière pour obliger l’administration à motiver plus précisément cette décision. Certaines juridictions administratives considèrent qu’il n’y a pas matière à motiver ces arrêtés dans la mesure où ce n’est pas un acte individuel, alors que d’autres défendent le contraire. Ceci pourrait être l’occasion de trancher en expliquant que cet arrêté interministériel doit être motivé sous peine d’illégalité, voire notifié à la commune avec le rapport de Météo-France ou l’ensemble des rapports techniques – comme le BRGM pour des mouvements de terrain ou des inondations. Ce n’est qu’à compter de cette notification, voire d’une publication de cette motivation en préfecture, que les délais de recours pourraient courir. Cela permettrait également d’améliorer l’information des sinistrés.
Enfin, appliquer strictement les circulaires permettrait de les encadrer et de les soumettre au contrôle du juge administratif. Une enquête sur le terrain pourrait en outre améliorer le système.