La situation des femmes en Afghanistan

Ce matin nous avons auditionné Gilles Dorronsoro, professeur de science politique à l’Université Paris 1. En 2002, il a publié une série d’articles dans le Monde diplomatique, appelant la communauté internationale à pousser l’Afghanistan vers la modernité. Il y évoquait la situation des femmes. Certes, on peut compter sur les Talibans pour éradiquer la culture du pavot, mais je ne voudrais pas qu’il y ait aussi éradication des droits des femmes et du droit à l’éducation. La question des femmes ne doit pas être accolée à celle des minorités. Les femmes ne sont pas une minorité. Je ne sais pas quel enfer se dessine avec l’arrivée des Talibans, se présentant comme un gouvernement en exil. Mais j’ai le sang qui se glace quand j’entends que les Talibans souhaiteraient siéger à l’ONU. « Quelle est la situation réelle des femmes aujourd’hui en Afghanistan ? Ont-elles une place en politique ? Que peut-on faire dans la perspective de la reconstruction de ce pays ? Quels réseaux d’influence peut-on solliciter ? »

Gilles Darronsoro évoque la difficulté qui tient au fait que le corps des femmes devient un champ de bataille politique. « Or, plus nous politisons la question des femmes, certes avec de bonnes raisons de le faire, plus cela conduit à faire de la question des femmes un élément de différenciation politique. Il y a par exemple une mise en avant de la lapidation comme châtiment, alors même que ce n’est pas forcément la peine que préconisent le plus volontiers les juges. Mais cette mise en avant est une façon pour les Talibans d’affirmer que dans leur pays, ils ont la capacité d’appliquer littéralement le Coran.

La volonté occidentale de défendre les droits des femmes s’est heurtée d’une part à l’opposition des grandes familles religieuses, mais aussi, d’autre part, au fait qu’il s’agissait aussi là d’un des axes idéologiques de l’occupant soviétique. C’est un élément important de la difficulté : aujourd’hui, parler du droit des femmes en Afghanistan, cela rappelle à la fois l’occupant soviétique et l’occupant américain. Donc ce n’est pas facile d’en parler, même s’il faut le faire. Nous nous sommes mis dans une situation où, alors que nous voulons défendre les droits des femmes, on nous renvoie à notre occidentalité et à nos actions passées dans le pays. »