La Turquie, un « pays tiers sûr » ?


Il y a deux ans, l’Union européenne signait avec la Turquie un pacte migratoire de régulation des flux. Nous, sénateurs français, avions eu l’occasion d’analyser cet accord grâce aux travaux d’une mission d’information ayant pour objectif d’évaluer le bien-fondé et les conséquences de cette réponse, qui nous est apparue comme fragile, ambiguë et partielle face aux enjeux migratoires auxquels l’Europe a été et est confrontée.

À l’aune des mutations politiques dangereuses que connaît la Turquie ces derniers mois, en particulier la reprise du conflit armé entre l’État et le parti du peuple kurde, le bien-fondé de cet accord sombre peu à peu.

Pourtant, le 14 mars dernier, la Commission européenne dégageait une enveloppe supplémentaire de trois milliards d’euros destinée à aider la Turquie à accueillir les réfugiés syriens sur son sol. Cette seconde tranche d’aide montre qu’en dépit des tensions avec Ankara et des défauts de cet accord, ce dernier est encore mis en œuvre.

Bon nombre d’ONG et de personnalités politiques européennes ont appelé à une évaluation juridique de ce pacte. Cet accord serait en effet illégal parce qu’il reposerait sur le postulat erroné selon lequel la Turquie est un « pays tiers sûr ».

Une clarification de la nature de la protection offerte dans un « pays tiers sûr » s’impose. Si nous nous résignons à accepter de sous-traiter le droit d’asile à des pays tiers, ceci doit être au minimum garanti par le caractère effectif de la protection, qui doit être identique à celle qui est accordée dans l’Union européenne – je pense notamment à l’application du principe de non-refoulement.

La Turquie présente-t-elle vraiment un haut niveau de garanties et de protection pour les demandeurs d’asile ?

Le 25 avril dernier, les eurodéputés ont décidé de retirer la Turquie de la liste commune des pays d’origine sûrs. Mais, selon la Commission européenne, ce vote ne concerne pas l’accord bilatéral UE-Turquie, mais seulement les cas de nationaux turcs.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Peut-on penser que le retrait de la Turquie de cette liste aura un impact sur la situation ?

J’ai demandé à la ministre des Affaires européennes de nous donner la position du gouvernement français sur ce sujet.

Quelle réponse de la Ministre des Affaires européennes, Nathalie Oiseau ?

  • Elle a rappelé que la déclaration Union européenne-Turquie de mars 2016 a permis que le nombre d’arrivées dans les îles grecques baisse de 97 % et que le nombre de décès de migrants en mer Égée soit divisé par 10. Ce dispositif a permis de lutter efficacement contre les filières de passeurs ; nous sommes donc attachés à sa poursuite et à sa reconduction.
  • La Turquie est le pays au monde qui accueille le plus grand nombre de réfugiés. C’est un effort colossal, pour lequel nous avons des garanties en matière de qualité de la protection accordée à ces réfugiés. Les enfants réfugiés, en Turquie, sont scolarisés. Grâce au soutien de l’Union européenne, les réfugiés qui se trouvent en Turquie ont accès aux soins.
  • Elle a plus généralement indiqué travailler à la poursuite de la coopération avec la Turquie en matière d’aide aux réfugiés. 
  • Elle a enfin précisé que l’aide européenne versée au profit des réfugiés en Turquie l’est très majoritairement, presque exclusivement, à des acteurs non étatiques – collectivités locales, associations – qui viennent en aide à ces réfugiés.

Bref, elle ne m’a pas répondu.