Pour un dialogue stratégique avec le Conseil de la Fédération de Russie

 

 

 

 

 

 

Le 28 mars, nous avons présenté en Commission des Affaires étrangères du Sénat la contribution de notre commission au rapport conjoint que nous avons engagé avec la commission homologue du Conseil de la Fédération de Russie. Vous pouvez retrouver l’intégralité du texte en cliquant ici.

Le Sénat tenait en effet à rappeler son attachement, malgré les difficultés, à un dialogue constructif et exigeant entre la Russie, la France et l’Europe, dans l’intérêt de nos pays.

À l’heure où l’actualité avive les tensions (soupçons de cyberattaques et d’ingérences dans les processus électoraux des démocraties occidentales, empoisonnements sur le sol britannique), le Sénat français veut croire que ce dialogue mérite d’être poursuivi et propose quatre pistes pour avancer.

1 – sur le dossier ukrainien, explorer la faisabilité d’une opération onusienne de maintien de la paix dans le Donbass, sur le principe de laquelle la Russie et l’Ukraine semblent d’accord, à défaut de l’être pour l’instant sur les modalités ; la mise en oeuvre d’une telle opération exige toutefois un minimum de sécurité sur le terrain (donc le retrait préalable et le contrôle des armes lourdes) et devrait être étroitement articulée avec l’application des accords de Minsk ;

2 – concernant la Syrie, le Sénat demande aux parlementaires russes d’user de toute leur influence pour faire cesser les bombardements qui font d’innocentes victimes. Outre l’urgence de faire cesser les attaques et les atteintes insupportables au droit humanitaire dans les enclaves assiégées par le régime, il convient d’encourager la mise en place, dans le cadre des négociations de Genève et de la résolution 2254, du comité chargé d’élaborer une nouvelle constitution pour la Syrie, créé lors du récent congrès de Sotchi. Il va de soi que, pour la France, le peuple syrien doit être en mesure de choisir son organisation politique et de désigner librement ses représentants ;

3 – il faut, bien sûr, faire vivre le dialogue de Trianon, en confortant l’originalité d’une méthode consistant à instaurer, notamment grâce à l’utilisation plateformes numériques, des passerelles entre les peuples et à soutenir des initiatives émanant des sociétés civiles. Il s’agit de faire en sorte que nos peuples se connaissent mieux et se rapprochent ;

4 – S’agissant d’un « Sommet sur la sécurité européenne » tendant à favoriser une compréhension commune des tensions sur le continent européen, à relancer les régimes de maîtrise des armements et à réaffirmer notre attachement aux principes fondamentaux du droit international énoncés notamment dans l’Acte final d’Helsinki, le Sénat y reste favorable à moyen terme. En effet, il est de notre intérêt de préserver la paix en Europe. Néanmoins, nous pensons qu’il faut l’envisager une fois la crise ukrainienne réglée, sinon cela n’aurait pas de sens. Évidemment, son objet ne serait pas de chercher à réduire l’autonomie stratégique de l’OTAN ni d’acter un quelconque partage de « zones d’influence » mais bien de discuter de l’architecture européenne de sécurité. En attendant qu’il soit possible d’organiser un tel sommet, les discussions visant à la réduction des risques doivent se poursuivre au sein du Conseil OTAN-Russie et de l’OSCE.

Nous devons insister sur les processus d’intégration régionale, les relations culturelles et humaines et la coopération décentralisée, car cela constitue un aspect positif. Notre démarche mérite d’être approfondie quel que soit le contexte. Ne baissons pas la garde face à la difficulté !

En ce qui concerne les processus d’intégration régionale, le message sur lequel nous insistons fortement est qu’il faut éviter que s’instaure une concurrence entre l’Union européenne et l’Union eurasiatique qui s’est créée en janvier 2015 autour de la Russie. Les pays du « voisinage partagé » doivent être libres de rejoindre les espaces régionaux qu’ils souhaitent et ne devraient pas se voir imposer des choix binaires et exclusifs, comme ce fut le cas pour l’Ukraine. Voilà deux ans, nous avions plaidé auprès de la Commission pour que les pays ayant signé des partenariats avec l’Union eurasiatique puissent aussi signer des partenariats avec l’Union européenne, et nous avons été entendus.

Il faut faire en sorte que les accords qui leur sont proposés n’empêchent pas une appartenance simultanée à des accords différents, ces pays ayant vocation à être des passerelles.

S’agissant des liens culturels et humains entre nos deux pays, ils sont, depuis longtemps, particulièrement riches et n’ont pas été affectés récemment. C’est un fait, il existe entre nos deux peuples, des affinités culturelles et un attachement réciproque, résultant notamment d’une longue histoire commune.

Dans le rapport, nous souhaitons que nos deux pays s’épaulent mutuellement pour favoriser l’apprentissage du russe et du français, et nous rappelons la nécessité de promouvoir les échanges à tous les niveaux, y compris, le moment venu, et sous réserve de réciprocité, par un régime d’exemptions de visas de court séjour.

Un mot, pour finir, de la coopération décentralisée, un champ de notre relation qui mérite d’être développéEn effet, les coopérations en place sont encore peu nombreuses et insuffisamment dynamiques, sans doute en raison des approches assez différentes qu’en ont nos deux pays. Nous souhaitons notamment sensibiliser nos homologues à l’intérêt d’échanges entre collectivités qui ne seraient pas uniquement à visée économique, mais également tournés vers la jeunesse, l’environnement, l’éducation et d’autres sujets encore.