Emploi des personnes en situation de handicap : j’interroge Muriel Pénicaud

Début février j’ai souhaité interroger la ministre du travail sur la suppression des équivalences d’emploi réalisées par les contrats de sous-traitance avec les établissements de soutien et d’aide par le travail (ESAT) et les entreprises adaptées (EA) dans le calcul du taux direct d’emploi. 
La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est venue réformer l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). Si l’objectif affiché est la promotion de l’entreprise inclusive et l’emploi pérenne des personnes en situation de handicap, il apparaît clairement que le moyen proposé par cette loi pour y parvenir pose problème : supprimer les équivalences d’emploi réalisées par les contrats de sous-traitance avec les ESAT et les EA dans le calcul du taux direct d’emploi. 

En effet, au 8° de son article 67, la loi dispose que les employeurs qui ne rempliront pas leur obligation d’emploi direct verseront une contribution dont le montant sera fixé par décret, pour chacun des bénéficiaires de l’obligation qu’il aurait dû employer. Le 1° du 12° du même article précise qu’une partie des contrats de sous-traitance avec les ESAT et les EA pourra venir en déduction du versement de la contribution annuelle dans des modalités et limites qui seront définies par décret. 
Opposer emploi direct des travailleurs handicapés et contrat de sous-traitance avec les ESAT et EA revient à pointer ces mêmes ESAT et EA comme responsables en partie de la non-inclusion dans l’emploi des personnes en situation de handicap. 
Opposer emploi accompagné et emploi protégé n’a pas davantage de sens. Ce sont deux modalités de soutien des travailleurs handicapés nécessaires pour que chacun puisse accéder et rester dans l’emploi selon ses besoins spécifiques. 
Ainsi la loi, en opposant travail protégé et travail accompagné, en opposant ESAT et entreprise inclusive, méconnaît les besoins spécifiques des travailleurs les plus fragiles, en particulier les personnes avec une déficience intellectuelle, qui ne trouveront pas leur place dans l’entreprise ordinaire et qui de fait seront écartées de l’emploi, comme c’est le cas dans les pays européens qui ne disposent pas de dispositif de travail protégé. 
Cette loi méconnaît également le travail spécifique de l’ESAT. L’emploi direct des personnes en situation de handicap ne s’adresse pas à tous les travailleurs handicapés et n’est pas le seul dispositif d’inclusion professionnel. En effet, depuis plus de soixante ans, les ESAT garantissent aux travailleurs handicapés un emploi pérenne et inclusif. L’inclusion des travailleurs d’ESAT est à l’œuvre quand ils exercent leur mission au domicile du client, dans des entreprises, dans des administrations et espaces publics. L’inclusion est également en œuvre pour les travailleurs moins qualifiés qui exercent des tâches de sous-traitance pour les entreprises. 
Les activités professionnelles concernées par ces contrats de sous-traitance s’adressent souvent à des personnes en situation de handicap dont le rythme et le rendement sont bien inférieurs aux exigences du travail en milieu ordinaire. Or, cette activité de sous-traitance inscrit le travail de ces personnes dans une chaîne économique. Ils participent ainsi à la production de biens commercialisés par des entreprises ordinaires, ce qui est une forme d’inclusion et de valorisation. 
Je lui ai donc demandé de revenir sur ces dispositifs et de reconnaître les équivalents emplois réalisés par les contrats de sous-traitance avec les ESAT et les EA dans le calcul du taux d’emploi direct. À défaut je lui ai demandé de prendre des décrets d’application qui prévoient que les mêmes contrats puissent être sans plafond déduits de la contribution OETH.