Situation en Syrie : la Commission des Affaires étrangères auditionne Jérôme Bonnafont

Le 7 février dernier, la Commission des Affaires étrangères a entendu Jérôme Bonnafont, directeur d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, pour faire le point sur la situation en Syrie.

L’intervention russe en Syrie à compter d’octobre 2015 a permis d’inverser le rapport de force sur le terrain et de sauver le régime syrien d’une défaite imminente. Après 2016, qui a vu la reconquête par Damas, appuyé par ses alliés russe et iranien, l’année 2017 a été marquée par un recul significatif de Daech (reprise de Raqqa en octobre par les forces démocratiques syriennes avec l’appui de la coalition internationale, reprise de Der Eizzor et Mayadin par les forces pro-régime) et par une baisse relative de l’intensité des combats (mise en place de « zones de désescalade » sur la base d’un accord conclu en mai 2017 à Astana entre Moscou, Téhéran et Ankara).

Cependant, on est encore bien loin d’une sortie de crise. Sur le plan politique tout d’abord, le processus onusien de Genève/Vienne est toujours paralysé par l’obstruction du régime syrien. Les initiatives russes (pourparlers d’Astana, Congrès de Sotchi), qui cherchent à prendre de vitesse les négociations de Genève pour imposer un fait accompli sur le terrain politique, ne sont pas davantage couronnées de succès.

En outre, la guerre n’est pas terminée : Les combats contre Daech se poursuivent dans la vallée de l’Euphrate. Parmi les zones de désescalade, seule celle du sud-ouest (Deraa) connaît une réelle accalmie. Les atteintes au droit humanitaire sont permanentes dans la Ghouta orientale, assiégée par les forces pro-régime. Le régime a, en outre, lancé récemment une offensive dans la zone d’Idlib -sous surveillance turque-, où se concentrent les rebelles de Fatah-Al-Cham.

Les tensions montent entre les puissances extérieures intéressées au conflit : les États-Unis, les pays arabes et Israël s’inquiètent du maintien de la présence iranienne sur le territoire syrien. La Turquie, préoccupée par l’émergence possible d’une entité autonome kurde dans le nord-est du pays, à proximité immédiate de ses frontières, est de nouveau entrée en Syrie le 20 janvier dernier avec l’opération « Rameau d’olivier » dans le canton d’Afrin.

Dès lors, dans ces conditions, que peut-on attendre des mois à venir ? Quand la Russie voudra-t-elle sortir de la crise ? Le coût de la guerre, l’aspiration du président Poutine à obtenir des succès diplomatiques et à se poser, pour sa fin de mandat, en « pacificateur », seront-ils des leviers pour la paix ? La Russie a-t-elle la capacité de faire céder le régime syrien, alors que celui-ci est fermement soutenu par l’Iran, qui se méfie de la Russie et s’oppose à toute concession aux pays occidentaux, notamment au départ de Bachar-el-Assad ? Si oui, de quels leviers la Russie dispose-t-elle ? Quelle est votre analyse sur le projet russe de constitution pour la Syrie ? Comment l’articuler avec Genève ?

Se pose, par ailleurs, la question de la possibilité du maintien d’une zone sous influence occidentale en Syrie à la fin de la guerre : le souhait des Etats-Unis est, semble-t-il, de rester dans le pays après la défaite de Daech, principalement dans l’entité kurde-arabe du nord-est, jusqu’à l’élection présidentielle prévue en 2021, afin de peser sur la transition politique. La Russie et le régime syrien peuvent-ils accepter cette perspective ?

Quels sont les objectifs et les marges de manoeuvre de la diplomatie française ? En particulier, quel est l’effet attendu du « groupe de contact » rassemblant P5 et grands acteurs régionaux promu par la France et dont le « small group » qui se met en place semble une préfiguration ? Ce format peut-il obtenir le soutien de la Russie qui craint sans doute une dilution de son influence ?

Enfin, j’ai demandé à Jérôme Bonnafont quelle était la position de l’OTAN par rapport à l’offensive turque en territoire syrien ?

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