En séance au Sénat le 19 mars, nous avons débattu préalablement au Conseil européen qui se tiendra les 21 et 22 mars prochain. Mon intervention a porté sur les financements de la défense européenne et sur la candidature d’adhésion de la Bosnie-Herzégovine à l’Union européenne.
Depuis près de deux ans, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union se sont engagés à dépenser davantage et mieux pour renforcer l’industrie européenne de la défense.
L’une des annonces du sommet de Versailles, en mars 2022, était l’intensification de la coopération grâce à des projets conjoints. Il aura fallu un an et demi pour mettre en œuvre cette ambition et adopter, le 9 octobre dernier, l’instrument nécessaire, le fameux règlement Edirpa (European Defence Industry Reinforcement Through Common Procurement Act).
Grâce à ce nouveau dispositif, un remboursement partiel sur le budget de l’Union sera accordé aux États membres pour les acquisitions conjointes faisant intervenir un consortium d’au moins trois États.
Le budget alloué à ce dispositif, certes temporaire, ne s’élève toutefois qu’à 300 millions d’euros. L’enveloppe paraît très limitée, en dépit de la clause imposant 65 % de composants des produits finaux ou d’un produit associé venant de l’Union européenne.
De manière plus structurelle, la Commission européenne et le Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune ont présenté le 7 mars une communication conjointe attendue de longue date sur la stratégie industrielle de défense européenne. Celle-ci se verrait cette fois allouer une enveloppe de 1,5 milliard d’euros d’ici à 2027. C’est mieux, mais cela paraît encore peu et très éloigné des enjeux auxquels l’Union européenne est aujourd’hui confrontée.
Le second volet de cet effort est le renforcement et le développement de nos industries de la défense, y compris nos PME.
J’ai tenu à remettre au cœur de nos débats la taxonomie de l’Union européenne. Nous avons eu l’occasion, il y a quelques semaines, de dénoncer la frilosité bancaire à l’égard des entreprises de la base industrielle et technologique de défense européenne, qui en est la conséquence.
J’ai donc demandé au Ministre délégué chargé de l’Europe comment il comptait faire pour intégrer les problématiques de financement du secteur de la défense dans la définition des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, les fameux critères ESG.
Les chefs d’État et de gouvernement devraient apporter leur soutien à un changement des statuts de la Banque européenne d’investissement lui permettant de financer des projets de défense. Peut-il nous confirmer que ce sera bien le cas, et nous préciser à la fois les modalités et le volume des crédits espérés ?
J’en viens à mon second point, la candidature de la Bosnie-Herzégovine. Il a fallu près de six ans et demi entre la demande d’adhésion à l’Union et l’obtention du statut de pays candidat par cet État, qui en rejoint ainsi huit autres.
Pour 83 % des Bosniaques, favorables à cette adhésion, ce sont six ans de rêve européen, six ans de subventions pour mettre en œuvre les réformes clés prescrites, six ans de quête lointaine d’un État de droit, mais aussi six ans d’illusions, de conférences en sommets, à n’être considérés que marginalement et traités qu’en cas de crise, par exemple la crise migratoire.
Ce sont aussi six ans de novlangue bruxelloise, et six ans à consentir à revoir à la baisse la conditionnalité « argent contre réformes » en échange d’une stabilité de façade.
Ce sont enfin six ans de sous-estimation de la réalité politique des Balkans, justifiée par le lourd héritage des guerres, mais aussi par un méticuleux travail de sape de la Russie et de la Chine.
Oui, cette région produit plus d’histoire qu’elle n’en peut consommer, pour reprendre les propos attribués à Churchill. Le système politique bosniaque est complexe, hérité des accords de paix de Dayton, parfois synonyme de clientélisme et de captation d’État.
Ajoutez à cela l’affaiblissement du modèle européen au sein de l’opinion publique sous l’effet des influences qui s’y exercent, et vous obtenez, mes chers collègues, une situation quelque peu délicate.
L’invasion russe de l’Ukraine jouera-t-elle un rôle d’accélérateur pour les réformes engagées par le pays ? L’adhésion de la Bosnie peut-elle limiter l’influence russe dans la région ? Après les élections européennes de juin, la réforme des traités sera-t-elle mise sur la table pour qu’enfin la gouvernance européenne soit repensée et son fonctionnement renforcé ? Ce dernier point est un préalable indispensable à tout élargissement.
Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?