Quelle sortie de crise en Colombie ?

La Commission des Affaires étrangères a reçu ce matin Daniel Pécaut, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). En propos liminaire, Daniel Pécaut a rappelé la fragilité des accords de paix conclus entre le gouvernement et les mouvements de guérilla, ainsi que les menaces qui planent sur sa mise en application. Il existe donc des risques sérieux de déstabilisation de la région, a fortiori compte tenue de la situation au Venezuela. L’ensemble des phénomènes de violences ont occasionné 7 millions de déplacés, 40 000 enlèvements et 60 000 disparus. Or, les accords de paix sont salués par l’ONU comme un accord très satisfaisant de sortie de crise. Mais la grande surprise a été le refus par plébiscite de l’accord (51% de non), sur fond d’abstention massive. Le gouvernement Santos a repris les négociations avec les FARC pendant plus d’un an pour parvenir à un nouvel accord.

Consciente de la violence extrême des affrontements qui ont opposés les guérilleros aux forces militaires et paramilitaires, j’ai souhaité savoir ce qu’il est advenu des Autodéfenses unies de Colombie (AUC). Ces milices paramilitaires, selon les estimations de D. Pécaud, sont responsables de deux tiers des crimes commis et ont déjà bénéficié d’amnisties sous le gouvernement Uribé. J’ai également souhaité savoir dans quelle mesure ces miliciens se sont reconvertis dans les bandes criminelles émergentes (Bacrim), ce qu’il en est de leur liens avec l’armée et certains dirigeants, accréditant ainsi la thèse de la « para-politique ».

Le président nouvellement élu avec le soutien des Uribistes, Ivan Duque, semble remettre en cause le système de la justice transitionnelle ouvert par les accords de Paix. Or, selon Daniel Pécaut, l’ancien président Uribé est tout particulièrement impliqué dans les affaires que traite cette nouvelle juridiction. L’ancien président s’est largement appuyé sur les groupes paramilitaires, mais il est également soupçonné de subornation de témoins. Plus largement, Daniel Pécaut explique que tous les acteurs illégaux du conflit sont liés au trafic de stupéfiant : si c’est par exemple le cas des guérilleros des forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), il insiste sur le fait qu’à bien des égards, les paramilitaires sont une expression des groupes narcotrafiquants. Enfin, il rappelle que par-delà leur appellation, en réalités les AUC sont des groupes très hétéroclites, en conflit les uns avec les autres, notamment pour le contrôle du trafic. En conclusion, Daniel Pécaut a souligné l’importance pour la France de s’impliquer dans ce processus de paix, la mise en place de l’accord étant une condition sine qua non à la fin des affrontements.