La reconstruction de l’Irak est-elle possible ?

Le 3 avril dernier, la Commission des affaires étrangères du Sénat auditionnait Myriam Benraad sur les enjeux et les perspectives de la reconstruction de l’Irak. L’Irak est un pays riche, mais le taux de pauvreté s’élève à 22,5 % au niveau national et 41 % dans les zones sous domination de l’État islamique. Il y a donc lieu d’agir.

Lors de la conférence des donateurs organisée au Koweït, on a constaté que l’Irak avait réalisé moins de 1 % de son programme de reconstruction des zones détruites reprises à l’État islamique, programme dont le coût est estimé entre 80 et 100 milliards de dollars. Les scénarios gouvernementaux ont sous-estimé l’ampleur et la gravité de la crise. Le gouvernement irakien, l’ONU, les instances internationales et les donateurs, parmi lesquels la Banque mondiale, ont fixé à dix ans la durée des travaux de reconstruction, mais sous conditions de stabilité locale, d’utilisation rationnelle des fonds et, surtout, d’éradication de la corruption. Or, classé 168e sur 180 par l’organisation non gouvernementale Transparency International, l’Irak est l’un des pays les plus corrompus au monde. Dès lors, une réelle reconstruction de ce pays est-elle possible ? Quid du respect des trois principes retenus par les donateurs ?

Madame Benraad a donné sens à mes interrogations : « Moins il y a de reconstruction, plus grandes sont les failles, ce qui crée de l’espace pour les djihadistes ou d’autres groupes de ce type qui peuvent émerger. Je ne sais pas quelle sera la prochaine forme de l’État islamique. Quoi qu’il en soit, ces logiques insurrectionnelles mettent en péril la reconstruction et surtout le retour d’institutions légitimes en vue de rétablir l’ordre et la sécurité sur le long terme.

La corruption gangrène la reconstruction au sens large, qu’il s’agisse de l’économie, des institutions, de l’appareil d’État, des transactions financières, des plans de reconstruction, des contrats d’armement, etc. C’est d’autant plus dommage que l’Irak n’a pas toujours été un pays ultracorrompu : la technocratie était très compétente et intègre. En 2003, au-delà du démantèlement de l’armée, l’appareil d’État a été anéanti, et l’Irak en paie encore les conséquences. La réforme de l’État est une priorité ; le gouvernement actuel le sait et il s’est engagé à réformer. L’été va être révélateur, tout comme le fut l’été 2018, qui a révélé l’ampleur, dans les provinces du Sud, du mécontentement. La situation est insupportable pour les populations, qui sont privées d’alimentation en eau, en électricité. Même si la situation sanitaire s’améliore, elle reste sujette à caution. Des attentats, des assassinats sont d’ores et déjà commis. »

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